Chaque semaine, Nathalie Collard rencontre un acteur de l'actualité et lui pose 10 questions liées à la couverture dont il a été l'objet. La 11e question vient du public. Cette semaine, notre journaliste s'entretient avec Martin Dumont, ancien organisateur politique et témoin à la commission Charbonneau.

1 Qu'est-ce qui a été le plus difficile pour vous, cette semaine?

Ça a été de relater les menaces de mort dont j'ai fait l'objet, de revenir sur ces moments-là. Et que ma conjointe l'apprenne par mon témoignage. Ça nous a bouleversés, surtout elle. Elle ne pensait pas que j'avais gardé ça tout ce temps sans jamais lui en parler. Mais je ne pouvais pas le lui dire, et je considère que j'ai fait la bonne chose en l'épargnant. Ce n'est pas évident à expliquer, un contexte comme celui-là, mais elle a compris pourquoi.

2 Pourquoi avoir décidé de tout raconter?

Premièrement, la Commission m'a donné un cadre judiciaire qui me permettait d'aller témoigner, et cela m'a beaucoup rassuré. J'ajouterais que si je n'avais pas été intimidé et traîné dans la boue comme je l'ai été cette semaine par l'avocat d'Union Montréal, Me Dorval, je n'aurais pas donné toutes ces entrevues dans les médias. Je n'en veux pas au procureur, il a fait la job de son client, ce n'est pas lui, le problème. Mais je veux que mon témoignage serve. Au-delà de l'intimidation, il faut que les gens aillent témoigner et raconter ce qu'ils ont vu. Ce n'est pas évident, rien ne garantit que ce sera facile, mais je veux que les gens comprennent qu'on a la possibilité de s'attaquer au noeud du problème. Personnellement, le jour où j'ai accepté d'aller témoigner, je savais que ces deux histoires allaient sortir et j'étais prêt à prendre ces deux baffes-là. Je n'avais rien à me reprocher, c'est moi qui le leur avais dit, à l'époque. Cela dit, Union Montréal n'a jamais contredit mes autres propos. Si c'est tout ce qu'ils avaient contre moi, je suis très à l'aise et j'ai la conscience tranquille.

3 Vous avez dit que c'est la commission Charbonneau qui vous a invité à témoigner. Pourquoi n'êtes-vous pas allé vers elle dès que vous avez appris sa création?

J'ai attendu son appel, c'est vrai. J'aurais pu l'appeler avant. Je pense toutefois que le plus important, au-delà du délai de communication, c'est que je suis allé témoigner, j'ai dit la vérité, j'ai donné ma version des faits.

4 Vous sembliez très sûr de ce que vous affirmiez durant votre témoignage, alors que les événements que vous avez relatés remontent à plusieurs années. Preniez-vous des notes au moment où les événements se déroulaient?

Aucune. Ce sont des moments qui sont très précis dans ma mémoire. Ce n'est quand même pas la majorité de mes souvenirs en politique, mais ce sont des souvenirs qu'on ne peut pas oublier.

5 Vous dites que vous avez déjà rencontré M. Zambito, que c'est un gars sympathique. Lui dit qu'il ne vous a jamais rencontré. Est-il possible que vous l'ayez confondu avec quelqu'un d'autre?

J'ai dit ce que j'avais à dire devant la Commission là-dessus. Je respecte beaucoup l'opinion de M. Zambito et c'est tout. Je ne veux pas créer un différend entre lui et moi. Je considère qu'il a donné sa version des faits, j'ai donné la mienne. Je ne m'attendais pas à ce que les gens confirment ce que j'ai dit durant mon témoignage.

6 Pensez-vous que M. Zambito aurait des raisons de vous discréditer publiquement?

Non. Je ne suis pas dans cet état d'esprit, et je suis sûr que M. Zambito n'est pas dans cet état d'esprit non plus. Moi, je suis en paix avec mon témoignage et je suis sûr qu'il l'est aussi avec le sien.

7 Pourquoi ne pas avoir avisé la police quand vous avez reçu des menaces de mort?

Avec le recul, cinq ans plus tard, je me dis que oui, j'aurais dû. Mais je ne l'ai pas fait. Est-ce un regret de ma part? Oui. J'étais tellement terrorisé, à cette époque-là... Mais je ne dirai pas que j'ai manqué de courage, car il en faut pour aller dire ce que j'ai dit à la commission Charbonneau.

8 Après Union Montréal, vous avez travaillé avec la mairesse Chantal Rouleau, de Vision Montréal. Avez-vous été témoin de comportements répréhensibles dans ce parti?

Non. J'étais à l'étranger au moment d'un cocktail de financement et, à mon retour, quand on s'est rendu compte qu'il y avait eu une contribution d'un individu qui posait problème, on s'est entendu pour rendre la contribution. On était très transparent et je pense qu'on a pris la bonne décision.

9 Votre témoignage fera peut-être la différence dans l'avenir politique du maire Tremblay. Trouvez-vous cela lourd à porter?

Moi, ce que je souhaitais en témoignant à la Commission, c'est dénoncer un système, jamais les individus. Je lui souhaite sincèrement une bonne réflexion, à M. Tremblay, je le respecte beaucoup.

10 Est-ce que vous pensez refaire de la politique un jour?

J'adore la politique, je suis une bête de politique, je ne peux pas me faire d'accroires. Ce serait donc fort possible que j'aille poser des affiches électorales, que je fasse du travail bénévole. Je n'ai pas perdu la flamme, je vais toujours m'impliquer. Mais pour le reste, j'aime mon travail et ma vie personnelle telle qu'elle est.

TWITTER +1 de Louis Doucet @louisdoucet

Vous sentez-vous toujours en sécurité après votre passage devant la Commission?

Non. J'ai encore de la protection. Cela dit, je considère que la Commission me protège bien. Et puis j'ai franchi une étape importante depuis mon témoignage. Au-delà de la peur qui pouvait m'habiter et qui n'a pas disparu, j'ai reçu beaucoup d'amour ainsi que des messages de sympathie et des bravos de la part d'amis et de gens du public. Ces messages positifs ont pris la place de la peur dans mon esprit, et je serai toujours reconnaissant aux gens qui ont pris le temps de m'écrire et de m'envoyer une petite note. Ça m'a confirmé que j'ai fait la bonne chose et ça fait en sorte que la peur diminue de jour en jour.