À l'automne 2004, le coffre-fort d'Union Montréal était tellement rempli d'argent qu'il était difficile d'en fermer la porte, a raconté un ancien organisateur du parti du maire Tremblay devant la commission Charbonneau. Martin Dumont a commencé hier à lever le voile sur les coulisses de la formation et a exposé ses liens étroits avec certains entrepreneurs en construction.

La Commission d'enquête sur l'octroi des contrats dans l'industrie de la construction a commencé hier après-midi à entendre le témoignage d'un ancien organisateur politique d'Union Montréal. Candidat défait aux élections de 2001, Martin Dumont a été embauché peu après au cabinet de Gérald Tremblay, avant de travailler directement pour la formation du maire.

Un soir, à l'automne 2004, Bernard Trépanier, responsable du financement d'Union Montréal, convoque Martin Dumont. En entrant, il lui demande de fermer la porte et les stores, même si les locaux du parti sont vides. Celui que plusieurs surnomment monsieur 3% se tient alors derrière son bureau, penché devant son coffre-fort.

«Comment est-ce que je peux t'aider? a dit Martin Dumont.

- La porte ne ferme pas, a répliqué Trépanier.

- Il y a un problème avec la serrure?

- Non, il est trop plein.»

C'est à ce moment que Martin Dumont affirme avoir constaté que le coffre-fort débordait d'argent. L'ex-organisateur dit surtout avoir été frappé par la couleur des billets - rouge, brun, rose, soit des coupures de 50$, 100$ et 1000$. «C'est le plus gros montant que j'ai vu de ma vie», s'étonne encore aujourd'hui M. Dumont, incapable d'évaluer combien d'argent se trouvait devant lui.

Pour résoudre son problème, Bernard Trépanier a fini par retirer des billets pour les cacher dans son veston.

Même si la Banque du Canada a cessé d'imprimer les coupures de 1000$ en mai 2000 pour lutter contre le blanchiment d'argent, 950 000 billets rosés sont toujours en circulation, pour une valeur d'un peu moins de 1 milliard. En comparaison, il existe près de 32 millions de coupures de 100$, pour une valeur de 3,2 milliards.

Mal à l'aise, Martin Dumont dit avoir suggéré à la blague à Bernard Trépanier de se procurer un coffre-fort plus volumineux. Quelques semaines plus tard, l'ex-organisateur dit avoir été surpris de constater qu'un coffre deux fois plus gros avait été installé dans le bureau du responsable du financement. Questionné par le procureur Denis Gallant, Martin Dumont a assuré ne jamais avoir entendu que le surnom de Bernard Trépanier était monsieur 3%.

Gérald Tremblay a de nouveau refusé hier de commenter ces révélations. Quant à lui, Bernard Trépanier n'a pas rappelé La Presse.

Cocktail à 10 000$

Martin Dumont a relaté un autre événement qui illustre les liens entre des élus d'Union Montréal et certains entrepreneurs en construction. Au printemps 2004, l'administration Tremblay préparait la campagne pour contrer les défusions. Profitant d'une courte période durant laquelle les dons n'étaient pas plafonnés et leur provenance n'était pas limitée, Union Montréal a organisé dans le plus grand secret un déjeuner de financement à l'ancien Club Saint-Denis.

Une quinzaine de firmes de construction et de génie ont payé 10 000$ chacune pour rencontrer le maire Gérald Tremblay et son bras droit de l'époque, Frank Zampino.

Martin Dumont se souvient du nom d'un seul participant, Nicolo Milioto, qui s'est présenté à lui comme «monsieur trottoir». Longtemps propriétaire de Mivela Construction, M. Milioto a été présenté par un policier à la commission Charbonneau comme le lien entre le cartel des égouts et la mafia. Sur des images filmées au club social Consenza, on le voit d'ailleurs recevoir des liasses d'argent d'entrepreneurs, avant de les cacher dans ses bas et de les remettre ensuite à des dirigeants du clan Rizzuto.

Lors de la rencontre, certains entrepreneurs ont vanté l'écoute de l'administration Tremblay depuis son élection en 2001 pour leurs doléances. D'autres ont toutefois dit éprouver des difficultés avec certains fonctionnaires. Présent dans la salle à ce moment, Martin Dumont affirme avoir entendu le maire leur répondre de s'adresser directement à Frank Zampino s'ils éprouvaient de nouvelles difficultés. Arrêté par l'escouade Marteau, cet ancien président du comité exécutif fait aujourd'hui face à des accusations criminelles dans le scandale du Faubourg Contrecoeur.

- Avec Gabrielle Duchaine

Photo: Patrick Sanfaçon, La Presse

Bernard Trépanier lors de son arrestation en mai dernier.