Par respect pour la Commission Charbonneau, Jean-François Lisée doit être rappelé à l'ordre par Pauline Marois, a soutenu lundi le député de la Coalition avenir Québec, Jacques Duchesneau.

Le porte-parole de la CAQ en matière de justice reproche au ministre des Relations internationales d'avoir souhaité publiquement que les procureurs du gouvernement intentent des poursuites contre l'ancien ingénieur Gilles Surprenant, témoin-vedette de la commission d'enquête sur la corruption.

M. Surprenant - qui profite de l'immunité offerte aux témoins - ne peut être poursuivi sur la base de son témoignage devant la Commission.

Mais dans une entrevue télévisée, en fin de semaine, le ministre Lisée, faisant état de son indignation face aux révélations du témoin, a dit espérer que les procureurs puissent utiliser «d'autres preuves» contre lui.

Or, selon M. Duchesneau, la sortie du ministre Lisée constitue «le meilleur moyen» de décourager de nouveaux témoins à se mettre à table, surtout ceux qui ont «des choses à se reprocher».

«Quel message ça envoie à ceux qui s'apprêtent à venir témoigner? On leur fait peur (...) On n'est pas pour envoyer un message en disant: si on est capable de vous prendre les culottes à terre, on va le faire et on va vous accuser. Ça ne fait pas avancer le débat», a dit l'ancien chef de police en entrevue à La Presse Canadienne.

Dans une lettre ouverte destinée aux journaux, le député de St-Jérôme affirme qu'il est «irresponsable et prématuré» d'évoquer des poursuites contre des témoins à ce stade-ci des procédures.

«La Commission commence à peine ses travaux, et la décision de poursuivre des individus devra être prise quand tous les témoins auront été entendus», écrit M. Duchesneau.

«Sans la collaboration de ces témoins et des lanceurs d'alerte, il est presque impossible de démontrer la véracité des faits et des allégations qui circulent depuis des mois, incluant dans les rapports que j'ai préparés», poursuit M. Duchesneau, faisant allusion aux enquêtes qu'il a menées comme dirigeant de l'Unité anticollusion du ministère des Transports et aussi à titre personnel.

«Jamais nous n'aurions pu porter un dur coup aux Hell's Angels sans l'aide de criminels repentis qui, au risque de leur vie, sont venus témoigner contre leurs anciens frères d'armes. C'est le prix à payer pour démanteler les réseaux et livrer les grands criminels à la justice», rappelle-t-il dans sa lettre.

L'intérêt public, selon M. Duchesneau, commande par conséquent de protéger les témoins «qui ont le courage» d'affronter «la vindicte populaire» en étalant au grand jour les manoeuvres et les combines criminelles.

A défaut de protéger les délateurs, le Québec risque de continuer «à se faire voler par des criminels» qui savent abuser des failles du système, souligne le parlementaire caquiste.

Au sujet de M. Lisée, le député Duchesneau fait remarquer qu'il «n'est plus commentateur» et «n'a pas à se faire le porte-parole de la grogne populaire». À son avis, la première ministre Pauline Marois doit réprimander son ministre.

Chez les libéraux, le leader parlementaire Robert Dutil a dit voir dans la sortie de M. Lisée contre le témoin Surprenant une nouvelle «péquisterie», c'est-à-dire une réflexion improvisée à haute voix.

«M. Lisée n'est peut-être pas au courant que quand tu viens témoigner à une commission comme la Commission Charbonneau, tu as l'immunité et ton témoignage ne peut pas être retenu contre toi», a-t-il déclaré.

M. Lisée n'était pas disponible pour accorder une entrevue à La Presse Canadienne mais a réagi brièvement aux propos de M. Duchesneau sur son compte Twitter.

«J. Duchesneau a raison de dire qu'il faut encourager les témoins à parler. Mais il faut être franc: il n'y a pas d'impunité», a-t-il «twitté» sans préciser plus avant sa pensée.