Un groupe de 14 firmes de construction et de génie ont versé 150 000$ au parti du maire Tremblay pour faire campagne contre les défusions, à l'automne 2004. Un ex-organisateur politique d'Union Montréal, Martin Dumont, est en train de décrire les pratiques de financement d'Union Montréal devant la commission Charbonneau.

Candidat défait aux élections de 1998 et 2001, Martin Dumont a exercé diverses fonctions à l'hôtel de ville et au parti du maire Tremblay de 2001 à 2007. Durant la première heure de son témoignage, il a décrit le fonctionnement de l'appareil politique à Montréal.

Martin Dumont a notamment révélé que le parti a organisé un petit-déjeuner à 10 000$ le couvert lors de la campagne référendaire sur les défusions. L'ancien organisateur a expliqué que le Directeur général des élections n'avait imposé aucun plafond sur les sommes et la provenance des dons récoltés à l'automne 2004.

Ce déjeuner au Club Saint-Denis a permis de récolter 140 000$ auprès de 14 firmes. Martin Dumont y a fait la rencontre d'un homme dont il peinait à prononcer le nom et qui, ce que voyant, lui a demandé de l'appeler «monsieur Trottoir». Il a appris par la suite qu'il s'agissait de Nicolo Milioto, propriétaire de Mivela Construction, important acteur dans la construction de trottoirs.

Outre ces 14 dons, Martin Dumont dit également être allé récupérer de l'argent chez Garnier construction.

Durant son témoignage, Martin Dumont a indiqué que Bernard Trépanier, responsable du financement d'Union Montréal de 2004 à 2006, avait un accès privilégié à l'hôtel de ville. Surnommé «monsieur 3%», il y a rencontré Frank Zampino, alors président du comité exécutif, à plusieurs reprises.

Plusieurs informations circulent sur le financement du parti du maire depuis le début de la Commission. L'ex-entrepreneur Lino Zambito a indiqué que, de 2005 à 2009, le cartel des égouts versait à Union Montréal 3% de la valeur des contrats qu'il décrochait.

Dans son témoignage, l'ingénieur Gilles Surprenant, fonctionnaire à la retraite de la métropole, a indiqué que l'argent était plutôt destiné au comité exécutif, composé des principaux élus à la tête de la Ville, soit la garde rapprochée du maire Tremblay.

Plus tôt aujourd'hui, un témoin a affirmé à la commission Charbonneau que l'ancien président du comité exécutif de Montréal, Frank Zampino, avait reçu des centaines de milliers de dollars en argent et en cadeaux de l'entrepreneur Paolo Catania.

Ce matin, la Commission a entendu le témoignage de l'un des plus proches amis de Paolo Catania, Elio Pagliarulo. Celui-ci a décrit le fonctionnement du cartel des égouts à Montréal et comment l'entrepreneur a corrompu le bras droit du maire Gérald Tremblay.

Pendant une quinzaine d'années, Elio Pagliarulo a côtoyé quotidiennement Paolo Catania, qui dirige l'une des principales compagnies de construction qui obtiennent des contrats de la Ville de Montréal, Construction F. Catania. Les deux hommes ont longtemps exploité une entreprise de prêt usuraire.

Véritables accros du travail, les deux parlaient toujours affaires. C'est ainsi qu'Elio Pagliarulo dit avoir été mis au courant des activités des Catania, notamment le Faubourg Contrecoeur. Son témoignage permet également de constater qu'il a lui-même pris part au système de collusion et de corruption en transportant des milliers de dollars en argent comptant pour le compte de Paolo Catania.

Avant la pause matinale des audiences de la Commission, Elio Pagliarulo a largué une véritable bombe. Questionné à savoir s'il connaissait, outre des fonctionnaires, des élus que le cartel avait corrompus, le témoin a répondu: «Oui: Frank Zampino.»

L'élu occupait un poste-clé à la Ville de Montréal à titre de président du comité exécutif. En mai, il a été arrêté par l'escouade Marteau en lien avec le scandale du Faubourg Contrecoeur. En plus de lui et de Paolo Catania, l'ex-président de la Société d'habitation de Montréal (SHDM) Martial Fillion et l'ex-organisateur politique d'Union Montréal Bernard Trépanier avaient également été arrêtés lors de cette frappe.

Elio Pagliarulo a expliqué que Paolo Catania a pu acquérir les terrains du Faubourg Contrecoeur grâce à Frank Zampino. L'entrepreneur avait évalué le terrain à 50 millions de dollars. Il l'a finalement acheté pour à peine 5 millions après avoir prétendu que le sol en était hautement contaminé. Paolo Catania a indiqué à son ancien ami qu'il prévoyait faire un profit de 80 millions grâce au projet du Faubourg Contrecoeur.

Elio Pagliarulo dit avoir lui-même apporté à Paolo Catania 300 000$ qui devaient être versés en trois tranches à Frank Zampino. Ces transactions ont laissé des traces puisque le témoin affirme avoir retiré l'argent de son compte de banque. Il précise également qu'il a lui-même aperçu Frank Zampino deux des trois fois où il est allé porter l'argent qui lui était destiné.

Outre les 300 000$, Elio Pagliarulo a également indiqué que la cuisine de Zampino a été refaite pour la bagatelle de 250 000$. «Je sais que c'est dur à croire, mais c'est ce que Paolo Catania m'a dit», a assuré le témoin. Il affirme également avoir apporté en septembre 2007 un «cadeau» de 5000$ pour l'anniversaire de Frank Zampino.

La compagnie de Catania était le principal bénéficiaire du cartel des égouts à Montréal. Selon le témoin, Construction F. Catania obtenait 22% des contrats que le cartel des égouts réussissait à truquer. Un pizzo (une ristourne) de 5% était versé au clan Rizzuto lors de rencontres au club social Consenza.

Fin d'une amitié

L'amitié entre Paolo Catania et Elio Pagliarulo s'est toutefois effondrée quand trois emprunteurs ont fui le pays et laissé derrière eux une dette de 1,8 million. Alors qu'Elio Pagliarulo se disait prêt à absorber la perte, Frank et Paolo Catania auraient insisté pour que celui-ci les rembourse. «Les Catania ne perdent pas d'argent», lui aurait dit le patriarche.

Incapable d'assurer le paiement hebdomadaire de 5000$ à Frank Catania et de 2000$ à Paolo Catania, Elio Pagliarulo a déclaré faillite.

L'homme dit avoir alors reçu de nombreuses menaces à partir de décembre 2008. En août 2009, Pagliarulo a été enlevé et sévèrement battu pendant trois heures. Ses agresseurs lui ont intimé l'ordre de payer les Catania. La même semaine, des fleurs mortuaires ont été déposées devant le domicile de son ex-femme.