L'ex-entrepreneur en construction Lino Zambito a dû demander la permission du «grand argentier» du Parti libéral du Québec (PLQ), Marc Bibeau, pour organiser un dîner en l'honneur de la ministre Nathalie Normandeau dans un restaurant de Laval, parce que le parti craignait d'indisposer deux ministres de cette région, Michelle Courchesne et David Whissell.

Le témoin-vedette de la commission Charbonneau a raconté, le 4 octobre dernier, que la responsable du service de recrutement et de financement du PLQ, Violette Trépanier, a pris contact avec lui pour lui faire part de ses préoccupations peu après que M. Zambito eut offert d'organiser un dîner-bénéfice dans sa région et d'y recueillir 100 000$ pour le parti.

Mme Trépanier, a affirmé Lino Zambito, craignait de «mettre en grogne» la ministre responsable de Laval, Michelle Courchesne, en tenant dans sa région une activité de financement en faveur d'une ministre qui représentait une circonscription de la Gaspésie (Mme Normandeau était députée de Bonaventure).

Éviter de froisser deux ministres

«Mme Trépanier, a ajouté l'ex-entrepreneur, m'expliquait que vu que les Laurentides, c'était le ministre responsable Whissell, et que Laval n'était pas loin et que c'était Michelle Courchesne qui était ministre, c'était un peu difficile d'amener

Mme Normandeau dans les comtés où ce n'était pas elle la ministre responsable, et où il y avait d'autres ministres. Ça avait l'air compliqué au point de vue de la logistique.»

Elle a donc invité Lino Zambito à une rencontre avec M. Bibeau dans les bureaux de Schokbéton, à Saint-Eustache, l'un des plus importants fournisseurs de béton de construction du Québec.

Devant la commission Charbonneau, M. Zambito a affirmé qu'on lui avait présenté Marc Bibeau comme «le grand boss des finances au Parti libéral et celui qui s'occupait du financement».

«Il m'a fait part qu'il était au courant que je voulais organiser une activité pour Mme Normandeau. Je lui ai dit oui et je lui ai demandé la permission, si c'était possible, au lieu de le faire à Rosemère, de le faire à Laval, au restaurant L'Unique, dans le marché public 440, qui était la propriété de mon oncle, Jean Rizzuto.»

«Pas de problème»

«M. Bibeau m'a regardé, a-t-il raconté. Il a dit: "Écoute, il n'y a pas de problème, tu veux le faire à L'Unique, fais-le à L'Unique."»

Selon M. Zambito, le grand argentier se serait ensuite «engagé personnellement à parler à Mme Courchesne pour s'assurer qu'il n'y ait pas de différend».

L'entrepreneur, qui en était encore à ses premières armes dans ce genre d'organisation, a indiqué à M. Bibeau qu'il songeait à inviter «20 ou 25 personnes et aller chercher un montant de 100 000$».

«M. Bibeau m'a dit: "N'oubliez pas que la loi permet un don de 3000$ par individu." J'ai dit: "C'est très bien."»

Selon le témoignage de M. Zambito, le dîner-bénéfice tenu à L'Unique le

31 janvier 2008 aurait rapporté 110 000$ au PLQ. La quasi-totalité de cette somme a été versée en chèques de 2500$ fournis par des firmes d'ingénieurs et des entrepreneurs en construction, qui ont utilisé des prête-noms.