Nicolo Milioto, décrit comme la courroie de transmission entre la mafia et l'industrie de la construction, a longtemps été l'un des plus importants entrepreneurs à décrocher des contrats à la Ville de Montréal. Et son entreprise, Mivela Construction, continue à faire de bonnes affaires dans la métropole.

Dans son plus récent rapport, le vérificateur général de Montréal a d'ailleurs souligné l'importance de Mivela à Montréal. De 2006 à 2009, soit avant le resserrement des règles à la Ville, Mivela a ainsi obtenu des contrats d'une valeur de 57,5 millions.

En janvier dernier, Nicolo Milioto a cédé sa société à son gendre, Alfonzo Polizzi. L'entreprise continue à décrocher son lot de contrats depuis. En 2012, Mivela a ainsi remporté des mandats pour 4,4 millions, principalement pour refaire des trottoirs dans l'arrondissement de Ville-Marie. L'administration Tremblay vient d'ailleurs tout juste de lui confier, le 12 septembre, le mandat du prolongement de la piste cyclable sur le boulevard De Maisonneuve. Ces contrats s'ajoutent aux 6,6 millions obtenus depuis 2010.

Selon les témoignages entendus à la commission Charbonneau, Milioto a été vu 236 fois par la GRC au club Consenza, lieu de rendez-vous du clan Rizzuto. Hier, des séquences filmées par des caméras cachées en 2005 l'ont montré recevoir des liasses d'argent d'entrepreneurs qu'il cachait dans ses chaussettes. Les billets de banque étaient ensuite remis, pour l'essentiel, aux chefs mafieux Rocco Sollecito et Nick Rizzuto.

Âgé de 63 ans, Nicolo Milioto est connu des policiers. En mai 2003, il s'en est pris à des cols bleus de la Ville, à Montréal-Nord. Il a frappé deux grévistes et causé des dommages à un camion de la Ville à coups de barre de fer. Coupable de cinq chefs d'accusation au criminel, il a obtenu une absolution inconditionnelle, mais a dû faire un don de 500$ à un organisme de charité. Il s'agissait d'une deuxième condamnation pour voies de fait: en 1993, il avait proféré des menaces de mort à l'endroit d'un citoyen.

Au cabinet du maire Tremblay, on répète ne pas pouvoir écarter Mivela, malgré les révélations faites devant la commission Charbonneau, hier. On souligne que l'entreprise ne figure pas sur la liste noire de la Régie du bâtiment, ce qui lui permet de continuer à participer aux appels d'offres.

Les relations de Mivela avec Montréal sont toutefois tendues depuis un peu plus d'un an. L'entreprise poursuit la Ville pour obtenir le paiement d'extras à certains de ses chantiers. L'administration municipale refuse de payer, car elle estime ne jamais avoir demandé ces travaux supplémentaires.

La fille de Milioto, Caterina, a travaillé pour la Ville de 2006 à 2010 à la direction de la réalisation des travaux de construction. Elle avait été embauchée par Robert Marcil, ce gestionnaire qui a démissionné en 2009 après le déclenchement d'une enquête sur un voyage en Italie que lui a payé l'entrepreneur Joe Borsellino, de Construction Garnier. Aujourd'hui, Mme Milioto et M. Marcil travaillent comme cadres au Groupe SM, firme de génie-conseil.

- Pierre-André Normandin et Francis Vailles