La Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction se penchera surtout, cet automne, sur les méthodes d'infiltration du crime organisé dans cette industrie, a annoncé hier la juge France Charbonneau, en ouverture de la reprise des audiences.

Dans les prochaines semaines, les témoignages porteront sur l'adjudication de contrats de construction «de trottoirs, d'égouts et d'asphalte à la Ville de Montréal. Ces témoins indiqueront de quelle façon des entreprises oeuvrant dans ce secteur se sont réparti des contrats, de quelle façon des fonctionnaires de la Ville auraient été soudoyés et comment une partie de l'argent aurait été recueillie pour des partis politiques municipaux. Certains nous parleront d'élus de certaines villes, notamment Laval et Montréal», a dit la juge Charbonneau.

«Les procureurs de la Commission prévoient faire entendre une cinquantaine de témoins, a indiqué pour sa part la procureure Sonia Lebel. Pour bien comprendre le pourquoi et le comment d'un phénomène, il faut en comprendre les acteurs et les milieux. L'enquête nous a permis de cibler deux groupes liés au secteur de la construction: la mafia et les motards criminels.»

La commission Charbonneau étudiera donc les origines, l'évolution, les structures et le fonctionnement interne de ces empires criminels «pour mieux comprendre leur motivation, les facteurs d'intérêt pour le milieu de la construction et les différents types d'infiltration utilisés» pour assurer leur mainmise sur l'industrie et les contrats qu'elle réalise.

Me Lebel a ainsi confirmé la présence de plusieurs témoins experts, dont Valentina Tenti, experte en matière d'infiltration du crime organisé dans la construction en Italie, et le détective Mike Amato, de la police régionale de York, avec qui on tentera d'établir des comparaisons entre les situations actuelles de l'Ontario et du Québec.

Des experts de la GRC sur le clan Rizzuto et de la SQ sur les bandes de motards criminels doivent aussi comparaître.

Ces experts, a indiqué Me Lebel, mettront la table pour le reste des travaux «et fourniront le contexte et les outils nécessaires pour comprendre et analyser les témoignages» de ceux qui seront appelés devant la commission. Des entrepreneurs, des ingénieurs et des fonctionnaires doivent être entendus.

Aucune mention n'a été faite de la présence de Joseph Pistone, alias Donnie Brasco, l'ex-agent du FBI qui a infiltré la mafia new-yorkaise et dont le passage à la Commission a fait l'objet de reportages la semaine dernière.

La juge Charbonneau a de plus indiqué hier que des études sont en cours sur «les états financiers des partis politiques et l'évolution du phénomène des consortiums constitués par des firmes de génie-conseil», en vue d'une «phase ultérieure» des travaux de la Commission.

De plus, vers la fin de l'automne ou au début de l'année prochaine, la commission se penchera sur le monde syndical, et notamment sur «la possible infiltration de syndicats par le crime organisé. La violence et l'intimidation sur certains chantiers font partie de ce volet» de l'enquête en cours.

La juge Charbonneau a d'ailleurs indiqué que des enquêtes sont en cours sur la Côte-Nord, en Abitibi, à Trois-Rivières, en Estrie et à Québec.

Depuis l'appel lancé à la population au début de ses travaux, au printemps dernier, la Commission affirme avoir reçu tout près de 1650 appels, courriels, lettres et télécopies de documents provenant de toutes les régions du Québec.