Le ministère des Transports prépare sa liste annuelle des chantiers routiers par circonscription électorale, a exposé la troisième témoin à la commission Charbonneau. Des dizaines de travaux ont ainsi pu être devancés à la demande du cabinet du ministre.

> Sur le web: le site de la Commission Chabonneau

Cette pratique de trier les chantiers par circonscription électorale a piqué la curiosité des commissaires Renaud Lachance et France Charbonneau. Ils ont longuement questionné à ce sujet leur troisième témoin, Chantal Gingras, sous-ministre adjointe.

«Si ce n'est jamais pertinent la notion de circonscription électorale, pourquoi le faire ?» s'est étonné Renaud Lachance. «Depuis que je suis au MTQ, ça se fait comme ça. C'est un tri comme un autre», a justifié Chantal Gingras.

Cette pratique existe au moins depuis 1996, année où Mme Gingras a commencé à oeuvrer à la planification des chantiers routiers. Cette ingénieure de formation a ainsi présenté à de nombreuses reprises la liste des chantiers en préparation au cabinet du ministre. À quelques dizaines de reprises, le personnel politique a demandé à ce que des travaux soient devancés.

Mme Gingras a assuré que le tri des chantiers par circonscription n'a pas d'incidence sur la priorité accordée aux travaux. «La municipalité, la MRC, c'est une donnée qui n'est pas très utile pour nous», a exposé Mme Gingras.

«Par contre elle peut être utile pour d'autres...», a avancé le commissaire Lachance.

«Elle peut être utile pour d'autres», a reconnu la sous-ministre adjointe.

Questionnée par la juge Charbonneau, Chantal Gingras a toutefois été incapable de nommer un seul chantier ainsi devancé sur demande du cabinet du ministre. «Il y a des centaines et des centaines de projets», a-t-elle répondu pour expliquer son trou de mémoire. En fait, elle a précisé que le MTQ menait 1600 chantiers par année et que les interventions politiques sont très «limitées». «L'ensemble des projets sont justifiés. On ne fait pas de projets qui ne sont pas justifiés.»

En cette troisième journée d'audiences de la Commission d'enquête sur la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, les pratiques du MTQ sont aujourd'hui scrutées à la loupe.

Ingénieure de formation, Chantal Gingras est entrée au MTQ en 1990. En tant que sous-ministre adjointe, elle est aujourd'hui responsable de la planification travaux routiers.

La sous-ministre adjointe a indiqué 27,8% des routes sont en mauvais état. L'objectif est de réduire à 17% les routes en mauvais état d'ici 2022. Et pourquoi ne pas viser 100%, a demandé la juge Charbonneau? «Le réseau se dégrade tout le temps, alors ça serait très difficile atteindre.»

Chantal Gingras explique que la majorité des contrats sont octroyés par les 14 directions générales des territoires. Tous les contrats sont ensuite évalués par la direction générale des services à la gestion et à la surveillance des marchés pour s'assurer du respect des règles en place.

Un deuxième témoin du MTQ, responsable de l'octroi des contrats au ministère, est attendu cet après-midi. Le témoignage de Jacques Duscheneau, ancien directeur de l'Unité anticollusion, doit suivre mercredi ou jeudi, selon la durée des témoignages d'aujourd'hui.

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État des routes du Québec en 2012

Bon état /      Mauvais état

Globalement                                   72,2%          27,8%

Réseau l'intérieur de la province       67,5%     32,5%

Routes commerciales

(vers les É.-U., Ontario et N.-B.)       84%           16%

Objectif global pour 2022                 83%          17%

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Investissements du MTQ dans les chantiers routiers

2003   1382 millions

2004   929 millions

2005   936 millions

2006   1315 millions

2007   1444 millions

2008   1959 millions

2009   2863 millions

2010   3174 millions

2011   3502 millions

2012   3978 millions *

*Projection

Source: Ministère des Transports du Québec


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Le témoignage de Duchesneau aura probablement lieu jeudi

L'ancien directeur de l'Unité anticollusion, Jacques Duchesneau, devra probablement attendre à jeudi avant d'être entendu par la commission Charbonneau. Le quatrième témoin, Marcel Carpentier, directeur des contrats au ministère des Transports, est loin d'avoir terminé son témoignage. En fin de journée aujourd'hui, la juge France Charbonneau a d'ailleurs estimé que celui-ci passerait la journée de mercredi à poursuivre son exposé très technique sur l'octroi des contrats au MTQ. «Vous en êtes à la 33e acétate sur vos 75», a-t-elle souligné. Le procureur de la Commission, Me Sylvain Lussier, a pour sa part informé le témoin qu'il passerait au moins la matinée de mercredi à poursuivre son témoignage. Mais au-delà de sa présentation, a duré près de quatre heures aujourd'hui, le témoin doit également être contre-interrogé par les huit participants à la CEIC.