Le commissaire au lobbyisme, François Casgrain, a déclaré mercredi que l'augmentation du nombre de décideurs impliqués dans la nomination des juges risque de contribuer à la perception que le processus est politisé.

Pour cette raison, M. Casgrain a émis des réserves quant à la possibilité que le choix des magistrats soit réalisé de façon collégiale par le conseil des ministres.

«Plus le cercle des décideurs est élargi, plus les risques sont grands du bris de confidentialité, qui est importante à mon avis lors de la sélection et de la nomination des juges, et la perception aussi que la décision a un caractère politique et ça peut miner la confiance du public», a-t-il dit.

La commission sur le processus de nomination des juges, présidée par Michel Bastarache, a amorcé la phase plus théorique de ses travaux, mercredi, en entendant des experts qui avaient produit des mémoires à sa demande ainsi que d'autres spécialistes des questions pertinentes à son mandat.

Les audiences qui ont précédé, au sujet des allégations de trafic d'influence formulées par l'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare, ont permis d'apprendre que libéraux et péquistes ont procédé différemment pour nommer des juges, au cours des dix dernières années.

En interprétant le règlement balisant la procédure, les péquistes s'en remettaient au ministre de la Justice qui, sur réception d'une liste de finalistes sélectionnés par un comité mandaté à cette fin, recommandait une nomination entérinée par le conseil des ministres.

Les libéraux procèdent de la même façon, mais le premier ministre Jean Charest est aussi consulté.

En s'exprimant devant la commission, M. Casgrain affirmé mercredi que le ministre de la Justice est le mieux placé pour agir dans ce dossier, sans toutefois se prononcer directement sur le rôle du premier ministre.

«Le ministre est dans une situation privilégiée, a-t-il dit. C'est à lui qu'on a confié le rôle d'administrer le système de justice.»

M. Casgrain a déclaré que des améliorations peuvent être apportées au processus actuel, notamment en raison des attentes élevées de la population en matière d'éthique.

«Il reste un chemin à faire, a-t-il dit. Les gens ont encore l'impression qu'il y a trop d'interventions non pertinentes aux normes de compétences pour assurer justement une véritable indépendance à la justice.»

Plus tôt, un professeur de philosophie à l'Université Laval, Jocelyn Maclure, s'est inquiété des risques d'ingérence partisane dans la composition des comités de sélection des candidats à la magistrature, qui sont formés d'un juge, d'un avocat et d'un membre du public.

«Rien n'empêche que le comité soit formé d'un magistrat auparavant nommé juge par le parti au pouvoir, d'un avocat choisi par le parti au pouvoir en raison de ses liens avec le parti, puis la même chose pour un membre du public, a-t-il dit. Cette simple possibilité institutionnelle est assez troublante.»

M. Maclure a suggéré que le membre avocat soit choisi par un comité du Barreau et que le choix du représentant du public soit entériné par des parlementaires.

Peter McCormick, politologue de l'Université de Lethbridge, en Alberta, a suggéré au commissaire Bastarache de recommander dans son rapport l'exclusion totale des politiciens du processus de nomination des juges.

«Il n'y pas de place pour les politiciens, a-t-il dit. Mon message est simple: dehors les politiciens.»

Selon M. McCormick, il faut former des comités de sélection d'une dizaine de personnes, majoritairement issues de milieux non juridiques, qui seront appelées à se prononcer sur les candidatures à la magistrature durant une période de quelques années, contrairement aux comités ad hoc nommés actuellement pour chaque poste à combler.

Le nom d'un ou deux finalistes pourrait être fourni au gouvernement, dont la fonction serait seulement d'entériner la candidature soumise par le comité.

M. McCormick a déclaré que la fonction de juge est maintenant devenue trop importante pour que leur choix final appartienne aux élus, dont les fonctions et priorités sont nombreuses et variées.

«La manière d'éliminer les discussions sur les influences subies par les politiciens et par quels intérêts extérieurs auxquels ils sont exposés est de tout simplement leur enlever quelque rôle que ce soit», a-t-il dit.

La commission Bastarache a été mandatée afin de faire la lumière sur les allégations de M. Bellemare, qui dit avoir été exposé à des pressions de collecteurs de fonds libéraux.