Les étudiants qui se destinent à la politique ou au droit partagent-ils le désabusement des Québécois à l'égard de la chose politique? La Presse a rencontré plusieurs étudiants des universités montréalaises. Au menu de la discussion: commission Bastarache, Bonhomme Carnaval, collusion et corruption, mais aussi - et surtout - leurs idéaux.

Soap opera, série télé... Souvent, le qualificatif revient dans la conversation pour qualifier la Commission d'enquête sur le processus de nomination des juges, ses rebondissements, ses coups d'éclat et ses joutes verbales. Objet de longs articles dans les journaux et d'une diffusion en continu à la télévision, la commission Bastarache est aussi disséquée dans les cours de droit de l'Université de Montréal.

Mais elle intéresse surtout les initiés, croit Dominique Goudreault, 20 ans. «Il y a une blague qui circule parmi les étudiants en droit. Si tu demandes à un étudiant d'une autre faculté ce qu'est la commission Bastarache, il te dira: «C'est sur Mont-Royal, à côté de la Commission des liqueurs!» blague-t-il.

Les révélations de la Commission ne manquent pas d'ébranler certains principes fondamentaux enseignés en droit, comme la séparation des pouvoirs. «Tout le processus de nomination des juges, au provincial comme au fédéral, mériterait une refonte», croit William Hodgson, 21 ans, étudiant en droit.

En attendant, les affrontements entre les avocats du gouvernement et ceux de l'ancien ministre de la Justice ont tout d'abord un impact néfaste sur la profession d'avocat. «Ça discrédite les avocats. On les voit essayer de donner de la crédibilité à MM. Charest et Bellemare», se désole Marie-Philip Simard, aussi étudiante en droit âgée de 21 ans.

Et la politique?

Les hauts et les bas de la Commission sont aussi soupesés par les étudiants en journalisme, plus enclins toutefois à la critique. «J'ai l'impression que c'est une blague, soupire Nicolas Dagenay, 21 ans, étudiant au bac en journalisme à l'UQAM. Le fait que le premier ministre soit là-dedans, c'est désolant.»

Tout aussi désolante est l'attitude des partis politique en général et de l'opposition en particulier, renchérit un camarade de Nicolas. «Les politiciens ne m'inspirent pas confiance: j'ai l'impression qu'ils vont en politique pour s'entraider», dit Claude-André Mayrand, qui, après un bac en sciences politiques, vient d'entamer ses études en journalisme.

Engagée depuis l'adolescence au PQ et au Bloc québécois, Élisabeth Émond, 25 ans, étudiante en sciences politiques à l'UQAM, ne veut pas céder à la morosité décrite dans les médias ni à l'ennui suscité par la Commission. «Cela n'aide pas à favoriser l'intérêt chez les jeunes, admet-elle. Mais je trouve ça intéressant que l'on dévoile le fonctionnement d'un cabinet.»

Le désabusement de la population, Élisabeth refuse d'y croire. «J'étais au rassemblement contre la Loi 103, et la salle était pleine. Les gens attendaient dehors. Il y avait un spectacle, c'était un beau rassemblement, les gens étaient motivés, et on n'était ni à l'UQAM ni au PQ. J'ai vu des gens de toutes les générations, de toutes les cultures. Quand on parle de désengagement, on devrait aller voir cette salle-là», s'exclame-t-elle.

Élevée dans une famille très politisée où le rouge côtoie le bleu, Élisabeth Émond a la chose publique à coeur. Consciente de la mauvaise réputation du personnel politique, elle ne prévoit pas s'en détourner, bien au contraire: elle prépare un premier documentaire consacré au lien entre le sport et l'identité nationale.

«Les gens pensent que je prends des cours pour être menteuse professionnelle. La perception de corruption est là depuis toujours, il y a une histoire de corruption dans tous les pays du monde et ce n'est pas ce qui décourage les gens. C'est dans ces moments-là qu'il faut se battre», plaide-t-elle.