L'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare est bien allé à la réunion du bureau de direction de sa circonscription de Vanier, le soir du 2 septembre 2003, et sa participation est allée plus loin que de «serrer des mains», soutiennent deux membres de l'association libérale présents ce soir-là.

«Il était là au début de la réunion, et il est parti à la fin», a soutenu avec aplomb une septuagénaire qui dit se souvenir clairement de cette réunion où se trouvaient 13 personnes. Elle veut conserver l'anonymat, mais est prête à venir témoigner devant le juge Bastarache, un forum où elle sera à l'abri d'une éventuelle poursuite de l'ancien ministre.

Un autre témoin dit s'appuyer sur les procès-verbaux de l'époque, qui reflètent très précisément le déroulement de ces réunions, assure-t-il.

Des allures de vaudeville

Les dernières heures de la commission Bastarache ont pris des allures de vaudeville, jeudi, alors que les deux camps jetaient en rafale leurs ultimes cartes sur la table. Lundi, l'avocat de Marc Bellemare, Rénald Beaudry, a annoncé que son client avait retrouvé une disquette contenant son agenda de 2003-2004, une pièce qui lui manquait pour prouver sa rencontre avec Jean Charest le 2 septembre 2003.

Jeudi, l'avocat du Parti libéral, André Dugas, a contre-attaqué. Il compte faire témoigner, jeudi prochain, deux militants de la circonscription de Vanier, que représentait M. Bellemare en 2003. L'un d'eux, Christian Jobin, a été président de l'association de 1997 à 2006 et viendra témoigner à partir des procès-verbaux de l'époque. Les deux attesteront que le ministre se trouvait avec ses bénévoles ce soir-là, grosso modo de 19h10 à 20h45. Dans le camp Bellemare, on réplique que cette présence a été plus tardive et plus brève.

Décidé à avoir le dernier mot, du côté de Me Bellemare, on a fait apparaître jeudi Me Lu Chan Khuong, sa femme, qui a trouvé la disquette providentielle dans une boîte de souvenirs. Dans une entrevue accordée à TVA, la bâtonnière de Québec, que la commission Bastarache n'a pas voulu entendre, explique qu'elle s'est mise à chercher intensivement des preuves pour appuyer son mari quand Jean Charest s'en est pris a son intégrité.

M. Charest a «attaqué les qualités humaines de Marc et dit qu'il était colérique et incapable de travailler avec les autres. Je n'aurais jamais pensé à vérifier cette boîte», a-t-elle dit. Convaincue qu'il existe ailleurs une autre copie de cet agenda ministériel, elle insiste: à titre de bâtonnière, elle n'aurait jamais mis sa réputation en jeu. La commission Bastarache a d'ailleurs fait expertiser la disquette pour en constater l'authenticité. Le fichier Word qu'elle contient n'a pas été modifié récemment, a-t-on appris par ailleurs.

La bâtonnière affirme du même souffle avoir reçu «à quelques occasions», à la maison, des appels de Franco Fava pour son mari. M. Fava a affirmé que jamais il n'avait téléphoné à Marc Bellemare, ni à son cabinet ni chez lui.

Procès-verbaux

Cette soirée du 2 septembre est centrale dans la déposition de Me Bellemare devant la commission Bastarache. C'est ce soir-là, en début de soirée, qu'il aurait informé Jean Charest des pressions importantes qu'exerçait Franco Fava, collecteur de fonds du PLQ, pour obtenir la nomination de candidats libéraux à des postes de juge. C'est alors que M. Charest lui aurait répliqué: «Si Franco te dit de les nommer, nomme-les.»

Dans son témoignage du 24 août, M. Bellemare a précisé qu'il s'était rendu au bureau de M. Charest vers 19h et l'avait quitté à 21h.

Or, les procès-verbaux de l'association de Vanier, rédigés par Richard Joncas, indiquent que la réunion était prévue pour 19 h. Au point 3 de l'ordre du jour (qui compte 11 points), on avait prévu que M. Bellemare s'adresserait à ses bénévoles.

Le procès-verbal - dont on a retrouvé l'original - relève que Me Bellemare a remercié les bénévoles et qu'il a dit «que des projets de loi seront déposés dès cet automne pour améliorer le système judiciaire». «Marc Bellemare ne prenait pas la parole pour seulement deux minutes», se souvient un participant.

Il n'y a aucune mention d'une arrivée tardive ou d'un départ hâtif. Or, à une réunion subséquente, M. Bellemare, qui avait dû partir avant la fin, s'en était excusé, et cela avait été clairement indiqué au procès-verbal.

En matinée, jeudi, l'avocat de Me Bellemare, Rénald Beaudry, a soutenu que son client se souvenait bien de cette réunion, où il était passé «serrer des mains». Il a aussi expliqué que la rencontre s'était tenue à la permanence du PLQ, au 1535, chemin Sainte-Foy, justement parce que c'était plus proche du cabinet du premier ministre (à 10 minutes en voiture). Les autres réunions ont d'ailleurs eu lieu par la suite dans des restaurants de la circonscription de Vanier.

Me Dugas, de son côté, a expliqué que, comme Me Bellemare n'a pas fait de déclaration préalable aux audiences de la Commission, ses recherches autour du 2 septembre ont commencé tardivement et viennent de trouver une conclusion.

Ce matin, l'ancien ministre péquiste Paul Bégin viendra expliquer à la commission Bastarache le processus de nomination des juges sous les gouvernements Parizeau et Landry. Il sera suivi, jeudi prochain, de son ex-collègue Linda Goupil.