Bien que le règlement sur la nomination des juges prévoie la plus stricte confidentialité des listes de candidats jugés aptes à la magistrature, Chantal Landry y avait accès sans s'être jamais engagée expressément à les garder secrètes.

La responsable des nominations au cabinet du premier ministre Charest a même parlé de deux candidats à Me Jacques Dupuis, ministre de la Sécurité publique à l'époque et ex-ministre de la Justice, pour obtenir ses commentaires sur le passé de ces avocats.

Le ministre de la Justice d'alors, Yvon Marcoux, avait transmis les noms sans indiquer sa recommandation pour une nomination, a-t-elle expliqué lundi dans son témoignage à la commission Bastarache.

Elle a affirmé que jamais les argentiers du PLQ Franco Fava ou Charles Rondeau n'ont exercé de pressions pour la nomination de candidats à la magistrature. Elle ne se souvient pas de discussions particulières entourant les nominations de Marc Bisson, le fils d'un organisateur libéral de l'Outaouais, ou de Line Gosselin-Després, cousine par alliance de l'ex-ministre du Travail Michel Després.

Son rôle se limite à transmettre au premier ministre la liste des candidats que lui remet le chef de cabinet du responsable de la Justice.

Elle ne se souvient pas de circonstances où un différend serait apparu entre le choix du ministre et la décision de M. Charest. Dans son témoignage, toutefois, M. Charest a soutenu qu'il lui est arrivé de ne pas approuver un candidat parce qu'il lui en préférait un doté de plus d'expérience.

Du contre-interrogatoire de Mme Landry par Jean-François Bertrand, le procureur de Me Bellemare, il ressort clairement que, depuis 2003, la nomination des juges se fait dans l'ignorance totale du règlement, qui prévoit un cheminement très précis pour les recommandations du comité de sélection indépendant.

Allégeance politique des candidats

Personnalité effacée, clairement nerveuse, Mme Landry a indiqué, comme l'avait fait M. Charest la semaine dernière, qu'elle signalait à son patron l'allégeance politique des candidats quand elle la connaissait. Sous pression, Mme Landry a paru un moment au bord des larmes quand elle a expliqué qu'elle agissait ainsi de sa propre initiative, dans le seul but d'informer le premier ministre.

«Si c'était un sympathisant libéral, si je pensais que c'en était un, alors oui, je le mentionnais», a-t-elle dit. Elle n'a jamais fait faire de vérification à ce sujet et se fiait à sa mémoire.

Même si cela n'est pas prévu par le règlement sur la nomination des juges, depuis son élection, en 2003, M. Charest passe en revue la liste des candidats jugés aptes à la magistrature et prend connaissance de la recommandation du ministre de la Justice avant que celui-ci ne dépose son décret au conseil des ministres. Mme Landry a reconnu ne pas avoir la moindre idée de la façon dont les gouvernements antérieurs procédaient en la matière.

Cette liste arrive avec les curriculum vitae des candidats. Elle ajoute sur des notocollants s'ils ont fait des démarches particulières, comme téléphoner ou écrire au cabinet du premier ministre.

Mme Landry reconnaît que, compte tenu des apparences, le commissaire Bastarache pourrait recommander que la responsable des nominations qui assure le lien avec le PLQ n'ait aucun contact avec cette sélection des magistrats.

Elle ne se souvient pas d'une occasion où le premier ministre Charest ait été en désaccord avec la recommandation du ministre de la Justice. Essentiellement, M. Charest s'intéresse à l'expérience du candidat, au nombre d'années de pratique qu'il compte et à son âge, explique-t-elle.

Elle a suggéré le nom de deux personnes à titre de représentants du public aux comités de sélection; l'une d'elle est Jacques Champagne, associé de Charles Rondeau. M. Champagne était aussi organisateur du PLQ et l'un des responsables du financement du PLQ à Québec.

Elle s'est dite surprise de voir que M. Rondeau, important financier du PLQ, était venu la voir aussi souvent en 2003 et 2004 (20 fois en six mois), mais elle a expliqué que, en arrivant au pouvoir, le nouveau gouvernement voulait constituer des banques de gens susceptibles de siéger aux conseils d'administration de sociétés d'État ou d'organismes.

Pour elle, Charles Rondeau et Franco Fava sont «des connaissances», des collecteurs de fonds «connus et respectés» au Parti libéral du Québec. Elle ne se souvient pas d'avoir rencontré M. Fava à son bureau. Selon Marc Bellemare M. Fava se vantait de passer chaque semaine au bureau de la responsable des nominations.