Témoin vedette de la commission Bastarache, Franco Fava a catégoriquement nié chacune des affirmations faites par Marc Bellemare. Jamais il n'est intervenu auprès de l'ancien ministre de la Justice en faveur de candidats à la magistrature.

Le premier ministre Jean Charest commencera son témoignage cet après-midi devant la commission chargée de vérifier les allégations de l'ex-ministre Bellemare, qui soutient avoir fait l'objet de pressions «colossales» de Me Fava. Selon des sources proches de la commission, M. Charest niera que son ancien ministre ait pu faire devant lui des accusations aussi graves sans qu'elles lui laissent un souvenir indélébile.

La déposition fort attendue faite mercredi par Franco Fava, collecteur de fonds du PLQ, est carrément irréconciliable avec le témoignage rendu à la fin du mois d'août par l'ancien ministre. Jamais il n'a appelé le ministre de la Justice pour le presser de nommer des sympathisants libéraux à la magistrature. En fait, il soutient même ne jamais avoir parlé au téléphone à Me Bellemare.

Plus encore, il nie avoir pris des repas avec le ministre à l'époque - ce dernier a évoqué des dîners répétés à l'été 2003. Il a croisé le ministre Bellemare à plusieurs événements politiques, mais une seule fois on peut parler de rencontre. Au ministère de la Justice, le 12 décembre 2003, M. Fava, membre du conseil d'administration de la Commission de la santé et de la sécurité au travail, était invité à une présentation sur le projet de réforme des tribunaux administratifs. Le ministre s'est contenté de présenter sa batterie de fonctionnaires avant de se rendre à un autre engagement.

Il a bien dîné avec le sous-ministre Georges Lalande, le 8 juillet 2003, mais selon M. Fava, il s'agissait d'une discussion très générale. Le fonctionnaire venait d'entrer en poste avec le mandat de préparer le projet de loi 35 sur les tribunaux administratifs. Il soutient ne jamais avoir abordé la question des nominations de juges, en dépit des notes du mandarin qui affirment le contraire. Le projet de loi 35 était d'ailleurs condamné dès le début; le conseil d'administration de la CSST y était opposé, rappelle-t-il. Me Lalande soutenait que M. Fava tentait de troquer l'adoption du projet de loi contre un feu vert aux nominations de certains avocats à la magistrature.

Or, Franco Fava soutient qu'il ne savait absolument rien des tractations pour les nominations de Marc Bisson et Line Gosselin-Després à la magistrature. La première fois qu'il a pris connaissance du rôle qu'on voulait lui faire jouer «dans cette pièce de théâtre», c'est quand son nom s'est retrouvé à la une des journaux, après les entrevues qu'a accordées Marc Bellemare en avril dernier.

«Je regardais tout ça et je me suis dit: ils sont tombés sur la tête, stie. J'étais comme quelqu'un qui hallucine», de soutenir l'homme d'affaires. M. Fava doit être contre-interrogé ce matin par le procureur de Marc Bellemare, Jean-François Bertrand.

«J'ai hâte de retourner à la retraite, je commence à en avoir plein le dos de cette histoire de vendetta de M. Bellemare avec M. Charest», a lancé M. Fava, exaspéré.

Il soutient qu'il ne connaît pas les avocats pour qui Me Bellemare l'accuse d'avoir exercé des pressions. «Je ne connais aucune de ces personnes, faites-les venir, posez-leur la question! s'est-il exclamé. Les nominations de juges, je n'ai rien à foutre avec ça!»

Au sujet de la promotion du juge Michel Simard au poste de juge en chef adjoint, il reconnaît que son ami de longue date Charles Rondeau lui avait dit qu'il avait intercédé en sa faveur auprès de Marc Bellemare. Franco Fava a même grondé son ami Rondeau en lui faisant «presque un reproche»; il lui a souligné qu'il n'aurait pas dû toucher à une nomination à la magistrature. Il a rencontré le juge Simard une fois, après sa promotion.

Comme l'indiquait La Presse cette semaine, les registres des entrées au cabinet de Jean Charest ne font aucune référence à des passages de Franco Fava. M. Bellemare a soutenu que ce dernier allait toutes les semaines au bureau de Chantal Landry, responsable des nominations au cabinet du premier ministre, et qu'il avait un accès direct à M. Charest. M. Fava dit être allé en tout deux fois au cabinet de M. Charest; l'une lors de la formation du gouvernement en 2003, l'autre lors du dépôt du premier budget, une réception qui attire plus de 300 personnes.

Il n'a jamais eu M. Charest au téléphone, il le croisait aux événements bénéfices qu'il organisait ou aux conseils généraux tenus périodiquement par le PLQ.

Il admet avoir déjà recommandé des candidats pour des nominations gouvernementales. Deux avocats montréalais, issus des contentieux d'associations d'entrepreneurs, aspiraient à des nominations à la Commission des lésions professionnelles. Comme il les connaissait, il a transmis leurs C.V. à un permanent du PLQ, Marcel Leblanc, un ami. Un an plus tard, il a constaté que l'un avait été nommé à la CLP et l'autre au Tribunal administratif du Québec, des nominations du Conseil des ministres qu'il a apprises, soutient-il, sur le site internet du premier ministre.