C'est à la fin de la semaine prochaine, jeudi ou vendredi, que le premier ministre Charest témoignera devant la commission Bastarache.

Après s'être un peu perdus dans les considérations scientifiques, les procureurs de la Commission ont convenu hier en réunion qu'il fallait presser le pas: presque un mois s'est écoulé depuis le début des audiences et à peine la moitié des témoins ont été entendus. Le commissaire Bastarache souhaite toujours conclure à la fin du mois.

Franco Fava, l'argentier du PLQ au coeur de la controverse, devrait être entendu au début de la semaine prochaine. La liste des témoins de la semaine prochaine sera rendue publique aujourd'hui, en fin de journée.

Aujourd'hui, la Commission offre à Marc Bellemare l'occasion de s'expliquer après avoir entendu les remarques d'un expert en «datation et analyse d'encre», Luc Brazeau, qui a reconnu qu'aucune technique ne permet de préciser quand les notes fournies par Marc Bellemare ont été rédigées. Annoncée subitement, l'arrivée du témoin-vedette avait fait grimper les attentes, mardi. Aussi, hier, ses révélations ont-elles laissé bien des gens sur leur faim.

Ce n'est qu'après ce témoignage plutôt hermétique que le procureur de la Commission, Guiseppe Battista, a jugé utile d'expliquer pourquoi on avait ainsi suspendu le cours normal des audiences pour faire place à M. Brazeau: il part samedi pour l'étranger, pour une série de conférences. Il fallait le convoquer rapidement si on voulait l'entendre.

Impossible de dater certaines encres

M. Brazeau a expliqué qu'il est impossible de dater certaines encres. Impossible aussi de dire à quand remontent les notes de Marc Bellemare. Dans son témoignage, ce dernier a soutenu que presque tout, «à 80%», avait été rédigé le soir même de sa démission, le 27 avril 2004; le reste dans les jours suivants, avant le 2 mai.

Mais comme l'a révélé La Presse hier, le spécialiste a constaté que deux types d'encre bleue avaient été utilisés, l'un pour l'ensemble des notes, l'autre pour trois lignes ajoutées par la suite.

Pour arriver à distinguer les encres, on procède par spectrométrie, en éclairant à diverses fréquences le texte qu'on veut étudier. La seconde encre utilisée est luminescente: elle brille sous la lampe du scientifique. La première ne l'est pas. Dans son style étonnant, l'expert, qui a publié sur le web deux études touffues sur l'encre de stylo-bille, a expliqué à un commissaire perplexe: «On peut exciter l'encre qui est en dessous pour qu'elle fluoresce ou qu'elle luminesce.»

Or, c'est dans ces ajouts que se trouvent, dans un style télégraphique, toutes les allusions aux rencontres avec Franco Fava et Charles Rondeau ainsi qu'aux pressions qu'ils auraient exercées pour les nominations à la Cour du Québec.

Là où M. Bellemare a noté son face-à-face déterminant avec Jean Charest («2 septembre... chef»), il a poursuivi la ligne plus tard en revenant sur les interventions de MM. Fava et Charles Rondeau.

Curieusement, ces éléments, qui étaient centraux dans les heures entourant sa démission, ne figurent pas dans les notes qu'il a prises spontanément, à la volée: ils ont été ajoutés par la suite.

Pour M. Brazeau il est impossible de dater le document, ou d'établir le laps de temps écoulé entre les deux rédactions.