Marc Bellemare a été estomaqué d'apprendre un jour que le frère d'un député péquiste travaillait dans son environnement immédiat au ministère de la Justice.

Le frère de l'ancien ministre péquiste Richard Legendre, l'avocat Pierre Legendre, était en effet le bras droit du sous-ministre de la Justice, Michel Bouchard. Il occupait ce poste depuis 1989 et, en 1994, on lui avait ajouté la responsabilité de coordonner le processus de nomination des juges.

Me Legendre doit témoigner cette semaine devant la commission - probablement jeudi. Depuis le début des audiences, sa femme est venue entendre la déposition de l'ex-ministre Bellemare.

Le chef de cabinet de Me Bellemare, Michel Gagnon, avait un jour fait irruption dans le bureau de son patron. Livide, au dire de Me Bellemare, il avait vidé son sac: il venait de recevoir un coup de fil de Richard Legendre, qui l'invitait à «prendre soin de son frère».

Pour Me Bellemare, il était inconcevable qu'un proche d'un adversaire politique ait un tel accès à de l'information stratégique. Me Legendre, que le ministre connaissait, par ailleurs, dînait fréquemment avec des employés politiques, parfois même avec le ministre et le chef du cabinet de la Justice. «Je le vois encore manger son sandwich!» s'insurgeait encore hier Me Bellemare.

Le ministre avait saisi son sous-ministre du fait qu'il jugeait la situation intolérable. Selon lui, le haut fonctionnaire aurait dû spontanément déclarer sa parenté avec un député de l'opposition. Le sous-ministre Bouchard a donc prestement affecté Legendre à d'autres fonctions. Me Bouchard, qui éprouvait aussi d'importants problèmes avec le nouveau ministre Bellemare, devait partir peu après pour Ottawa. Il est redevenu sous-ministre de la Justice depuis.

La tension au ministère de la Justice a alors éclaté au grand jour: en 2003, Richard Legendre a qualifié Bellemare de «ministre de l'Injustice» pour avoir évincé son frère, un haut fonctionnaire sans allégeance politique qui avait accédé à son poste à l'époque de Robert Bourassa.

L'avocate du gouvernement, Me Suzanne Côté, a souligné qu'il est étrange qu'on ait déplacé un fonctionnaire doté d'une telle feuille de route simplement pour sa parenté avec un élu.

Me Bellemare a reconnu qu'il était intervenu très rapidement, moins de deux mois après sa nomination, et qu'il n'avait pu constater une seule indiscrétion de son haut fonctionnaire.

«On a tous des amis péquistes», a-t-il laissé tomber. À Québec, Me Bellemare était connu pour ses affinités avec le Parti québécois avant de se présenter avec le PLQ aux élections de 2003.