Les patrons du Québec rejettent la charte de la laïcité et demandent au gouvernement Marois d'y renoncer.

Même si le champ d'application du projet de loi 60, qui encadre la charte de la laïcité, se limite au secteur public, les chefs d'entreprise craignent son effet d'entraînement sur le secteur privé.

C'est du moins la thèse défendue par le Conseil du patronat, venu exposer jeudi la position alarmiste de ses membres aux parlementaires, dans le cadre de la consultation publique menée sur le projet de loi 60.

Pourtant, le projet de loi 60 ne vise que les employés de l'État, qui se verraient interdire de porter des signes religieux ostentatoires, par souci de préserver la neutralité de l'État sur le plan religieux.

Mais cela n'apaise en rien les craintes des employeurs. Le Conseil du patronat dit avoir consulté une centaine de ses membres sur le sujet et le jugement de l'organisme est sans appel: la charte de la laïcité de l'État va créer un climat d'intolérance et de division au sein de la société québécoise, ce qui nuira à la prospérité du Québec.

Dans son mémoire, le Conseil indique que les employeurs consultés ont affirmé ne pas avoir de problème particulier avec les signes religieux portés par leurs employés, et pas davantage avec les demandes d'accommodement. Il serait donc inutile d'intervenir pour encadrer ces questions.

Ils justifient leur demande de retrait du projet de loi 60 par le fait qu'ils estiment être visés directement par la charte chaque fois qu'ils transigeront avec l'État et indirectement parce que l'image du Québec pourrait être affectée négativement.

Les employeurs membres du Conseil du patronat disent aussi anticiper avoir plus de difficulté à attirer et retenir des travailleurs qualifiés à l'avenir, tant au Québec qu'à l'étranger, si la charte est adoptée. Même constat négatif en ce qui a trait aux investissements étrangers.

Ils estiment aussi que la charte viendra à l'encontre des politiques de diversité en matière d'embauche mises en place depuis des années par de nombreux chefs d'entreprise, en guise d'ouverture aux immigrants et représentants des différentes communautés culturelles du Québec.

Plus précisément, une des peurs du monde patronal est liée à l'article 10 du projet de loi, qui stipule que Québec pourrait étendre l'application de la charte à toute personne ou entreprise avec laquelle un organisme public a «un contrat de service ou une entente de subvention».

Le Conseil se demande comment, concrètement, le gouvernement s'y prendra pour appliquer cet article du projet de loi, qui «préoccupe grandement les employeurs issus du secteur privé qui sont en relation avec l'État», peut-on lire dans le mémoire.

Les patrons dont certains employés affichent des signes religieux ont dit appréhender le fait que «le projet de loi éveille chez certains membres du public des réactions hostiles à ces employés et à leurs entreprises».

En extrapolant, le Conseil du patronat va jusqu'à redouter que la population fasse pression sur le gouvernement pour qu'il étende l'application de la charte «à l'ensemble des entreprises québécoises», un scénario qu'il désapprouve d'emblée.