L'oratoire Saint-Joseph refuse catégoriquement de rendre public le budget de la grande messe organisée pour souligner la canonisation du frère André, au Stade olympique. Mais près d'un mois après l'événement, on persiste et on signe: il n'y aura pas de profits.

L'Association de victimes de prêtres (AVP) avait demandé, dans un courriel envoyé le 26 octobre aux cardinaux Jean-Claude Turcotte et Pierre Morissette, à ce qu'une partie des bénéfices engrangés par la cérémonie soit versée aux victimes des pédophiles du Collège Notre-Dame.

Elle se montre sceptique face aux allégations de déficit évoquées tour à tour par le cardinal Jean-Claude Turcotte, par le recteur de l'Oratoire, le père Claude Grou, ainsi que par les organisateurs.

«Les factures ne sont pas encore bouclées. Et de toute façon, nous n'avons pas l'intention de rendre ces informations publiques», a indiqué l'adjointe du bureau des communications de l'oratoire Saint-Joseph, Danielle Decelles.

Des subventions

Selon les données compilées par La Presse Canadienne, l'oratoire Saint-Joseph a obtenu au moins 250 000$ en financement spécialement pour cet événement. Une partie de ces subventions provient des fonds publics.

L'Oratoire a d'abord eu droit à une aide financière de 100 000 $ de la part du gouvernement du Québec, tel qu'indiqué dans un communiqué de presse publié le 28 octobre. Le ministère du Tourisme a versé ce montant «spécifiquement pour cet événement spécial non-récurrent», a confirmé Julie Boivin, l'attachée de presse de la ministre Nicole Ménard.

Un autre montant de 50 000 $ a également été octroyé par le ministère des Affaires municipales. Mais on parle ici d'un don «pour l'ensemble des festivités entourant la canonisation». La porte-parole du ministère, Émilie Lord, n'a pu confirmer à quel escient l'argent avait été utilisé par l'Oratoire, ni s'ils étaient tenus de rendre des comptes.

Les Chevaliers de Colomb, en plus de fournir des centaines de bénévoles, ont également fait un don de 150 000 $ pour la grande messe. C'est l'un des plus grands chevaliers qui l'a confirmé à La Presse Canadienne.

Les succursales des caisses Desjardins du grand Montréal ont également participé au montage financier. Cependant, le directeur général des communications du Mouvement Desjardins a refusé de dévoiler le montant de la contribution financière.

«Nous ne révélerons pas le montant du don. Nous le faisons seulement lorsqu'il s'agit de dons philanthropiques», a déclaré André Chapleau.

À ces subventions s'ajoutent les revenus générés par la vente des billets à cinq dollars pour assister à la grande messe. Le jour de l'événement, Danielle Decelles confirmait qu'environ 42 000 laissez-passer avaient trouvé preneur, ce qui totalise environ 210 000 $.

Du côté de la Ville de Montréal, la porte-parole Isabelle Poulin a affirmé qu'aucune subvention n'avait été accordée.

En somme, dans la colonne revenus, on retrouve - au bas mot - 460 000 $.

L'Oratoire n'a pas payé la location du Stade olympique. En fait, on lui a facturé exclusivement les frais fixes nécessaires à la tenue de l'événement: l'accueil, la billetterie, les placiers ou encore l'électricité, entre autres.

La directrice des communications et des affaires publiques de la Régie des installations olympiques, Sylvie Bastien, a confirmé que seuls «les coûts directs - en biens et services - étaient facturables» dans le cas de la grande messe.

Et les profits?

Profits ou pas, le recteur de l'oratoire Saint-Joseph avait déjà affiché ses couleurs.

Selon le père Grou, si un dédommagement devait être versé aux victimes de prêtres, il devrait venir de la communauté religieuse - la Congrégation Sainte-Croix, à laquelle appartenait le frère André - et non de l'oratoire Saint-Joseph.

«L'argent qui est amassé par l'Oratoire est remis au service des pèlerins de l'Oratoire, alors il faut distinguer les responsabilités de la communauté et celle de l'Oratoire», avait-il déclaré à l'issue de la messe.

La distinction n'en est cependant pas une pour le vice-président de l'AVP, Carlo Tarini, qui rappelle que dans les faits, l'oratoire Saint-Joseph appartient à la Congrégation de Sainte-Croix. Certains des membres de la congrégation sont accusés d'avoir infligé des sévices sexuels à de nombreux garçons qui fréquentaient les collèges Notre-Dame et Saint-Césaire.

«Que ce soit bien clair: on n'en a pas contre l'Église», assure M. Tarini.

En mars 2009, une demande de recours collectif contre la Congrégation des Frères de Sainte-Croix a été déposée par Robert Cornellier, qui est le frère d'une victime aujourd'hui décédée. La demande sera entendue le 13 décembre.