Jusqu'à il y a deux ans, Martin Rouleau était un jeune homme comme les autres. Il venait d'avoir un bébé. Il gérait sa propre entreprise. Il jouait au poker et faisait la fête dans les bars avec ses amis. Puis, tout a basculé.

En quelques mois à peine, l'homme de 25 ans, fils d'un chauffeur d'autobus à la retraite, est devenu un islamiste radical qui rêvait de «gagner son paradis» et pour qui seule la religion comptait.

Sur sa page Facebook, créée en mai 2013 et qu'il signait Ahmad Rouleau, il parle d'Allah et du diable. «Les croyants combattent dans le sentier d'Allah», lit-on. «Aux hypocrites, hommes et femmes, et aux mécréants, Allah a promis le feu de l'Enfer pour qu'ils y demeurent éternellement.»

«Mieux vaut vivre un jour comme un lion que 100 ans comme un mouton»

En septembre 2013, il a publié deux vidéos sur des théories conspirationnistes sur le site du Time magazine dans la section des commentaires, en réaction à un article sur les tensions en Syrie à la suite de tests de missiles israéliens. Sur Twitter, il s'appelait Abu Ibrahim AlCanadi.

Sociable et généreux

Comment expliquer qu'un garçon qui, selon des proches, n'était jamais même allé au Moyen-Orient prenne ainsi les armes?

Martin Rouleau a fait son secondaire à la polyvalente Chanoine-Armand-Racicot de Saint-Jean-sur-Richelieu. Puis, racontent ses amis, il a travaillé pour des entreprises de livraison, avant de lancer sa propre entreprise de nettoyage, J.M.T.R. lavage à pression. Il était père d'un jeune enfant, il était séparé de la mère. Il était sociable, généreux, ouvert aux autres, disent ses proches.

«C'était quelqu'un de bien correct, se souvient Jean-François Plante, qui est allé au secondaire avec lui. Il n'était pas renfermé pantoute.»

Un autre ami le décrit dans ces mots:

«C'était un gars travaillant et souriant, toujours prêt à aider un de ses proches. Il était dévoué pour son fils et il a toujours été là pour sa famille. C'est de cette façon que je le connaissais. Un mec vraiment cultivé, entre autres.»

Des amis, il en a perdu beaucoup dans la dernière année. «Les gens se sont détournés de lui en pensant qu'il était fou», confie un proche. «Nous nous sommes éloignés de lui quand il s'est converti», confirme Yanik Lacas, qui habite le même quartier que la famille Rouleau.

C'est qu'il avait complètement changé.

Conspirations

Il y a environ deux ans, l'homme a commencé à s'intéresser aux théories conspirationnistes. «Il s'est mis à lire sur les Illuminati et à fouiller toutes les histoires de conspirations sur internet», raconte un ami. Pourquoi cet intérêt soudain?

«Martin s'est vraiment souvent fait décevoir par l'humain. À un moment donné, il a voulu comprendre pourquoi il y avait tant de merde dans le monde.» Il aurait notamment été déçu par des amis à qui il avait donné du travail dans son entreprise.

De fil en aiguille, il s'est mis à haïr le capitalisme, le «crédit» et toutes ces choses que remettent en question les théories du complot. «Toutes les mêmes choses que détestent les islamistes, dit son ami. Il a été brainwashé par internet».

Dans la dernière année, il est devenu plus radical. «Il a toujours été quelqu'un d'intense, alors ç'a été vite.»

Son père, Gilles Rouleau, avait commencé à s'inquiéter de la conversion de son fils, selon un voisin, qui voyait parfois le jeune homme «faire des prières». Le voisin raconte que Martin Rouleau «planifiait d'aller» au Moyen-Orient bientôt. Joint par La Presse, Gilles Rouleau a décliné notre demande d'entrevue. Les enquêteurs de la Sûreté du Québec ont passé plusieurs heures chez lui, hier soir. Ils y étaient toujours au moment de mettre sous presse.

Malgré ses inquiétudes, son fils était tombé à pieds joints dans la religion. Il a même essayé de convertir ses proches, ont confié plusieurs amis.

Dernièrement, il aurait parlé à certains amis de commettre une attaque semblable à celle d'hier contre deux soldats de l'armée canadienne. Il disait que ça les mènerait au paradis, lui et son fils. Pas plus tard que vendredi, il a affiché sur internet une image montrant deux portes, l'une donnant sur le paradis et l'autre, sur l'enfer.

- Avec Annabelle Blais, Jasmin Lavoie, Daphné Cameron et Louis-Samuel Perron