Alexandre Bissonnette s'est attaqué à des musulmans car il jugeait cette cible «plus acceptable» et parce que c'est dans l'air du temps, selon un psychiatre qui a longuement discuté avec l'auteur de la fusillade à la Grande Mosquée de Québec.

«L'attention de monsieur s'est tournée vers les musulmans car c'est la couleur de notre temps. Il y a 60 ans, ç'aurait peut-être été les juifs, qui étaient identifiés dans le monde occidental comme les fauteurs de troubles, ceux qui nuisaient», a expliqué au tribunal le docteur Sylvain Faucher, psychiatre-légiste.

M. Faucher témoignait à la demande de la défense. Il a rencontré sept fois Bissonnette depuis son incarcération. L'expert partage les conclusions du psychologue Marc-André Lamontagne, soit que le tueur a le profil d'un narcissique fragile, ou hypervigilant.

«Le narcissique fragile, j'appelle ça le syndrome du bon gars. Ce sont des individus qui cherchent à plaire, ne veulent pas être critiqués, a expliqué le psychiatre au palais de justice de Québec. Alors ils font beaucoup d'effort pour qu'on ne puisse identifier chez eux des défauts, qu'on puisse leur reprocher quelque chose.»

«Leur colère est souvent très intense car elle a été longtemps contenue, ou camouflée par plusieurs mécanismes», ajoute l'expert.

Bissonnette était obsédé par les tueries de masse, ce qui s'explique en partie par ses années passées à subir l'intimidation. «Le passage à l'acte de monsieur est une quête de pouvoir, a-t-il dit devant la Cour supérieure. Il y a un sentiment de faiblesse, d'inadéquation. C'est un adulte qui dépend encore de ses parents.»

C'est cette envie de ne pas déplaire qui a en quelque sorte dicté sa cible à Bissonnette. Le 26 novembre, il se serait rendu dans un centre commercial de Québec. Mais s'attaquer aux clients sur place lui serait apparu difficile à justifier. Les musulmans, selon lui, représentaient une cible «plus acceptable».

«C'est la couleur du temps, on adhère à certains préjudices, certains préjugés», a expliqué M. Faucher, qui a passé plus de sept heures avec le tueur. «M. Bissonnette a des distorsions, une conception erronée sur une situation.»

Selon l'expert, Bissonnette refuse les étiquettes de raciste et d'islamophobe encore une fois pour ne pas déplaire. «C'est parce qu'on pourrait lui reprocher. Il a beaucoup de difficulté à subir la critique. Si on le traite de nazi, de suprémaciste, de raciste, ça va à l'encontre de son image.»

En somme, il évalue les risques de récidive allant de faible à modéré. Il admet tout de même que d'évaluer la dangerosité de quelqu'un «est un exercice difficile». «Il n'y a pas de risque zéro.»