Revirement au palais de justice de Québec : après avoir plaidé non coupable lundi aux douze chefs d'accusation qui lui étaient reprochés, Alexandre Bissonnette a décidé mercredi de plaider coupable. L'auteur de l'attentat à la grande mosquée de Québec, qui a fait six morts et cinq blessés graves, s'expose à une peine de 150 ans de prison ferme.

« Ça fait longtemps que j'y pense et, dans mon coeur, c'est la décision que je voulais prendre pour éviter un procès et éviter que les victimes revivent encore cette tragédie », a expliqué l'homme de 28 ans devant la cour. 

Bissonnette avait déjà fait savoir dès lundi après-midi son désir de plaider coupable, une idée qu'il mûrissait depuis des mois. Mais le juge François Huot de la Cour supérieure, surpris du revirement, avait demandé qu'une expertise sur l'état mental de l'accusé soit réalisée pour s'assurer qu'il soit en pleine possession de ses moyens.

« L'une des pistes qui étaient sérieusement envisagées du côté de la défense consistait à soulever la question de l'état mental de M. Bissonette. En pareilles circonstances, je ne veux prendre aucune chance », avait précisé le magistrat lundi.

Le psychiatre Sylvain Faucher a évalué l'état mental d'Alexandre Bissonnette lundi soir. Il a conclu qu'il était apte à subir son procès. Le juge a donc accepté le plaidoyer de culpabilité de l'accusé mercredi et l'a déclaré coupable de six chefs de meurtre au premier degré et de six chefs de tentative de meurtre.

Bissonnette connaîtra sa peine dans les prochaines semaines. Il est passible d'une peine de prison à perpétuité sans possibilité de libération avant 150 ans, selon le principe du cumul des peines prévu au Code criminel depuis l'adoption en 2011 d'une loi par le gouvernement conservateur d'alors.

Le 29 janvier 2017, M. Bissonnette a fait irruption dans une mosquée et a ouvert le feu. Le tireur a fait cinq blessés graves et six morts : les Québécois de confession musulmane Ibrahima Barry, Mamadou Tanou Barry, Khaled Belkacemi, Abdelkrim Hassane, Azzeddine Soufiane et Aboubaker Thabti.

Pourquoi ce revirement ?

Lundi, Alexandre Bissonnette avait pris le juge par surprise en changeant son plaidoyer au retour de la pause du midi. Le magistrat avait posé une série de questions à l'accusé - était-il sous l'effet d'alcool ou de drogue, prenait-il sa décision librement, etc. - auxquelles Bissonnette a répondu calmement.

Le tueur avait alors expliqué que lundi matin, à la recommandation de ses avocats, il avait plaidé non coupable pour gagner du temps et lui permettre de consulter des derniers éléments de preuve.

Après en avoir pris connaissance sur l'heure du midi, il a confirmé à ses avocats qu'il voulait plaider coupable. Le juge Huot a ordonné l'évaluation psychiatrique de l'accusé, a reporté l'audience à mercredi et a interdit aux médias de rapporter le plaidoyer de culpabilité, de peur de contaminer un éventuel jury.

L'accueil par le juge du plaidoyer de culpabilité mercredi signifie qu'il n'y aura pas de procès, donc pas de jury. Des observations sur la peine auront lieu dans les prochaines semaines.

Des réactions politiques

Le plaidoyer de culpabilité d'Alexandre Bissonnette a immédiatement eu des échos à l'Assemblée nationale.

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a réagi avec prudence au revirement de situation spectaculaire au palais de justice de Québec.

« Je ne commenterai pas davantage, sinon que, si c'est le cas, effectivement, la justice pourra être rendue plus rapidement », a-t-il observé.

Pour le leader parlementaire du gouvernement Couillard, Jean-Marc Fournier, la décision de M. Bissonnette de se déclarer coupable de tous les chefs d'accusation qui pesaient contre lui est un « développement important ».

« Je ne suis pas sûr que ça règle tout, a-t-il toutefois tempéré. Il y a toujours beaucoup d'émotions, de sentiments qui restent après ça. Et je pense que c'est une multitude de gestes qui doivent suivre pour essayer de se réunir. »

Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, estime pour sa part que ce dénouement va aider les victimes et leurs proches à vivre leur deuil.

« L'événement de la mosquée à Québec n'a pas simplement touché la Ville de Québec, mais le Québec au complet, a-t-il déclaré. Je suis convaincu que, dans cette situation, les gens s'attendent à une fermeture de cet événement. Je pense que les gens sont certainement rassurés de cette situation. »

Pour le ministre responsable de la région de Québec, Sébastien Proulx, « le fait de ne pas avoir de procès (...) est un soulagement pour les gens, bien entendu ». Il explique que « ceux et celles qui se sont retrouvés au coeur de cette tragédie veulent passer à autre chose ».

« Vous savez, se remémorer ces événements-là à travers des procédures judiciaires, ce n'est jamais simple. Alors je pense qu'on pourra tourner la page et, comme l'ont dit d'autres avant moi, penser à l'avenir », a-t-il déclaré lors d'une mêlée de presse avant la réunion hebdomadaire du conseil des ministres.

- Avec la collaboration de Martin Croteau et de Tommy Chouinard