Scène rarissime ce mardi soir à Québec: une sourate du Coran prononcée dans une église catholique. Il faut moins d'une minute de marche pour franchir la distance entre l'église Notre-Dame-de-Foy et le Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), où sont morts six hommes dimanche.

Mais rarement les deux lieux de cultes auront été aussi proches qu'aujourd'hui.

Ce soir, le temps de quelques instants, l'archevêque de Québec, Mgr Gérald Cyprien Lacroix, qui présidait une messe en mémoire des victimes de l'attentat, a prêté le micro à son « frère », le cofondateur du CCIQ.

« On dit, dans notre religion, que lorsque vous aimez quelqu'un, il faut le lui dire. Alors je vous aime », a lancé Boufeldja Benabdallah, la voix parfois nouée par l'émotion, aux fidèles réunies dans l'église bondée.

D'entrée de jeu, l'homme établi au Québec depuis 48 ans a balayé toute trace de rancoeur.

« Vous êtes un peuple bien. Sachez-le. Prenez-le. Je vous assure. »

D'Alexandre Bissonnette accusé de six meurtres et de cinq tentatives de meurtre, il a dit qu'il est « un être humain qui s'est trompé ».

Mgr Lacroix a essuyé des larmes en écoutant parler l'homme, dont l'allocution s'est terminée par la lecture d'une sourate du Coran en compagnie de deux membres de sa communauté. 

Puis, une autre scène inhabituelle, le leader de la communauté musulmane et l'archevêque se sont serrés dans les bras l'un de l'autre.

Une accolade transmise par le Pape François, a dit Mgr Lacroix, qui était à Rome au moment du drame. Un événement qui « ébranle notre espérance ».

Malgré la peine et le choc, M Benabdallah a dit sortir grandi de la tragédie. « Tout le doute que j'avais hier sur l'islamophobie et sur la xénophobie, aujourd'hui, grâce à votre présence ici, je sais qu'on peut l'effacer. »

Unité

La cérémonie tenue en présence du premier ministre Philippe Couillard et du recteur de l'Université Laval se voulait sous le signe de l'unité. 

Le grand chef de la nation Huron-Wendat a offert des tresses d'herbes sacrées au leader de la communauté musulmane «qui auront comme vocation de sécher vos larmes».

«Il y a une grande force ici ce soir. Gardons cette force intacte», a dit l'homme, lui aussi ému, qui s'est désolé de ne pas pouvoir effacer l'attaque à la mosquée.

Photo Olivier Jean, La Presse

«On dit, dans notre religion, que lorsque vous aimez quelqu'un, il faut le lui dire. Alors je vous aime», a lancé Boufeldja Benabdallah, la voix parfois nouée par l'émotion, aux fidèles réunies dans l'église.