La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a mis la main sur un enregistrement vidéo qui prouverait que l'attaque de Michael Zehaf Bibeau à Ottawa était un geste politique et idéologique. Ces révélations contredisent les propos de la mère du tireur qui, dans une lettre publiée la veille, se dit persuadée que son fils souffrait de troubles mentaux et qu'il n'était pas un «terroriste».

Selon une source gouvernementale, Zehaf Bibeau fait référence à Allah dans cette vidéo et dénonce la politique étrangère du gouvernement Harper. Le gouvernement a autorisé il y a deux semaines l'envoi de six avions de chasse CF18 pour participer aux frappes aériennes contre des cibles du groupe armé État islamique en Irak.

«La GRC a trouvé des éléments de preuve convaincants voulant que l'attaque de Zehaf Bibeau ait été menée pour des motifs idéologiques et politiques, a expliqué le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Bob Paulson, dans un communiqué publié dimanche soir. Zehaf Bibeau a préparé un enregistrement vidéo de lui-même tout juste avant de commettre cette attaque.» La GRC procède à des analyses de cette vidéo et ne compte pas la rendre publique pour le moment.

La GRC indique également que le couteau du tireur provenait de la maison de sa tante. La veille de l'attaque, le tireur lui avait rendu visite à Mont-Tremblant. «On ignore encore la provenance de l'arme à feu utilisée par Zehaf Bibeau. Il s'agit d'une arme d'un vieux modèle peu courant. Nous pensons qu'il pourrait avoir également caché l'arme sur la même propriété, mais l'enquête se poursuit», ajoute M. Paulson.

La GRC a par ailleurs établi que le tireur a financé l'attaque grâce à son travail dans les champs de pétrole en Alberta. Il semble avoir économisé «une somme d'argent considérable». L'enquête se poursuit, et les interactions du tireur dans les jours précédant l'attaque sont passées au peigne fin.

Lettre de Susan Bibeau

Ces nouvelles informations surviennent quelques heures après la publication par le National Post d'une longue lettre de Susan Bibeau, mère du tireur, dans laquelle elle affirme que le geste de son fils était celui d'un être instable et désespéré.

«La plupart vont dire que mon fils est un terroriste, je ne crois pas qu'il faisait partie d'une organisation ou qu'il a agi au nom d'une grande idéologie ou pour un motif politique», écrit Mme Bibeau.

Elle reconnaît toutefois que son fils parlait beaucoup de religion et du diable. Elle croit également qu'il a rencontré une personne qui a combattu en Syrie. Cependant, elle hésite à dire qu'il s'était radicalisé. «Je ne crois pas qu'il regardait la propagande islamique ou qu'il voulait aller combattre en Syrie», souligne-t-elle.

La dernière fois qu'elle a vu son fils, soit quelques jours avant le drame et après un silence de cinq ans, il lui a parlé de religion et de son projet de se rendre Arabie saoudite pour étudier le Coran.

Syrie ou Arabie saoudite?

À ce sujet, Mme Bibeau a contredit la GRC, qui a déclaré jeudi que Zehaf Bibeau souhaitait se rendre en Syrie. «Je n'ai jamais dit qu'il voulait aller en Syrie, j'ai précisément dit en Arabie saoudite», insiste-t-elle.

Mike Cabana, sous-commissaire de la GRC, a indiqué au National Post que la mère n'avait effectivement pas parlé de la Syrie, mais il a ajouté que cette erreur ne changeait rien, puisque plusieurs personnes se rendent en Syrie en passant par l'Arabie saoudite.

Quoi qu'il en soit, Zehaf Bibeau ne pouvait pas partir, car il éprouvait des difficultés à obtenir un passeport.

«Je crois que le fait qu'il n'a pu obtenir un passeport l'a poussé à passer à l'acte. Il se sentait acculé au pied du mur. [...] Il se sentait coincé et sa seule issue était la mort», suggère sa mère.

Mme Bibeau insiste toutefois sur le fait que son fils n'était pas sur la liste des suspects surveillés par le Service canadien du renseignement de sécurité.

«Cela me laisse penser qu'il s'agit d'un acte désespéré commis par une personne qui n'allait pas bien dans sa tête, une personne qui voulait être tuée, dit-elle. À mes yeux, la maladie mentale est au centre de cette tragédie.»

Elle rappelle que Michael Zehaf Bibeau avait eu des problèmes de dépendance à la drogue. Elle ne sait pas s'il avait cessé d'en consommer, mais suggère que les problèmes ont pu laisser des séquelles. Dans les jours qui ont précédé le drame, elle affirme qu'il était très instable.

«Était-il fou? Je n'aurais jamais pu imaginer qu'il pourrait faire quelque chose comme ça, mais il n'était pas bien non plus», explique-t-elle.

«Je n'essaie pas de justifier ces actes, mais de fournir des éléments de contexte», explique-t-elle. D'ailleurs, elle réitère dans cette lettre qu'elle est horrifiée et dégoûtée par le geste de son fils. «J'ai honte de ce que mon fils a fait, eh oui, comme quelqu'un me l'écrit, je n'ai pas dû être une bonne mère, et vos mots ne suffisent pas à décrire le sentiment qui m'habite. Il y aura toujours de la culpabilité», dit-elle.

Elle conclut en souhaitant à la famille de Nathan Cirillo, le soldat qui a été tué dans l'attaque, de trouver un peu de paix et de bonheur à l'avenir.

- Avec Joël-Denis Bellavance

PHOTO FOURNIE PAR LA GRC

Michael Zehaf Bibeau