La chef du protocole au Parlement du Canada, Elizabeth Rody, descendait les marches qui mènent à la porte principale de l'édifice du centre lorsqu'elle est tombée presque face à face avec Michael Zehaf Bibeau.

Accompagnée d'une collègue, Mme Rody allait à la rencontre de Frédéric Leturque, maire d'Arras, en France, en visite officielle pour préparer les commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale.

«On commençait à descendre les escaliers quand tout à coup, j'ai entendu le gardien de sécurité crier», a-t-elle raconté dans une entrevue à La Presse.

«On s'est retournées et j'ai vu le fusil. C'est la première chose que j'ai vue: le fusil», a-t-elle ajouté. Le tireur était à environ 3 mètres d'elles.

Cette fonctionnaire qui travaille au parlement depuis 30 ans estime qu'elle doit sa vie au garde de sécurité Samearn Son, celui-là même qui a déjà été encensé publiquement par le sergent d'armes, Kevin Vickers.

«Ça s'est passé super vite. Et l'agent de sécurité a super bien réagi. À mon avis, il en a sauvé, des vies... Juste le quart de seconde où il a crié et descendu le fusil, ç'a donné la chance à bien du monde, comme moi, de déguerpir.»

Selon plusieurs témoignages, le tireur a en effet braqué son arme sur M. Son, qui a eu le réflexe d'abaisser le canon de l'arme vers le sol. Un coup de feu est parti, qui a atteint le gardien à la jambe.

«J'ai regardé le fusil baisser, le coup de feu, et là, j'ai couru pas mal vite», a relaté Mme Rody, toujours secouée.

Elle s'est cachée avec sa collègue sous le bureau de la sécurité, quelques mètres plus loin, pendant plus de trois heures.

Les deux femmes ont été légèrement blessées. Sa collègue a reçu un éclat de marbre sur la cheville. Quant à elle, elle a découvert une marque noire sur sa jambe lorsqu'elle a finalement pu rentrer chez elle, à 1 h du matin. Des radiographies ont confirmé que les blessures étaient mineures.

De nouveaux détails émergent

La vidéo présentée par la GRC jeudi montrait la cavale de l'auteur de la fusillade de la rue Wellington jusqu'aux portes de l'édifice du Centre. Mais les autorités de la Chambre des communes et la GRC enquêtent toujours sur les événements qui se sont déroulés à l'intérieur.

Selon des informations obtenues par La Presse, les caméras installées à l'intérieur du parlement ont capté la fusillade sous plusieurs angles. Ces images n'ont pas encore été rendues publiques. Tout indique que les enquêteurs examineront également les vidéos de surveillance des jours précédant la fusillade afin de déterminer si M. Zehaf Bibeau avait fait une tournée de reconnaissance avant de perpétrer son attentat.

Entre-temps, de nouveaux témoignages ainsi que les quelques vidéos qui ont circulé dans les médias et des traces de la fusillade permettent de reconstituer les quelques secondes qui se sont déroulées entre le moment où le tueur de 32 ans a franchi les portes du parlement et sa mort.

Selon plusieurs sources, Zehaf Bibeau aurait porté un gilet pare-balles lorsqu'il a fait irruption au parlement. C'est ce qui expliquerait pourquoi il a réussi à se rendre jusqu'aux portes de la bibliothèque, à l'extrémité du hall d'honneur.

Zehaf Bibeau a échangé plusieurs coups de feu avec des policiers et des agents de sécurité qui l'avaient pris en chasse alors qu'il courait dans le hall. Un agent de sécurité des Communes posté devant les portes de la salle de réunion du caucus du Parti conservateur, à mi-chemin dans le corridor, a tiré plusieurs coups de feu dans sa direction. Une balle a atteint la porte de la salle de réunion du caucus du NPD, juste en face. Zehaf Bibeau aurait riposté, puisque le mur où se trouvait l'agent porte une trace de projectile.

Durant ces échanges, Zehaf Bibeau aurait été grièvement blessé à l'épaule, selon nos informations. Il a pu trouver refuge dans l'alcôve située devant la bibliothèque. C'est à ce moment précis que le sergent d'armes est entré en scène. Son bureau étant à proximité, il a longé le mur du côté droit et s'est rendu tout près du tireur.

Affaibli, Zehaf Bibeau aurait tiré un autre coup de feu dans l'espoir de repousser les policiers. C'est après ce coup de feu que le sergent Vickers se serait projeté au sol devant le tireur et aurait déchargé son arme sur lui. Le policier Curtis Barrett l'aurait suivi et en aurait fait autant.

Même s'il ne bougeait plus, les policiers lui auraient passé les menottes. Mais avant de le faire, ils auraient été contraints de lui enlever un couteau de type Bowie qu'il avait attaché à l'une de ses mains avec du ruban à gommer.

PHOTO FOURNIE PAR LA GRC

Michael Zehaf Bibeau

Le parlement accessible

La Colline du Parlement est redevenue accessible au grand public à 20 h vendredi. Les touristes pourront de nouveau visiter l'édifice du Centre à partir de lundi matin. De nombreux politiciens ont exprimé le souhait de rétablir l'accessibilité du foyer de la démocratie canadienne le plus rapidement possible après l'attaque de mercredi.

Appel au public

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a lancé un appel au public vendredi dans le cadre de son enquête sur les événements qui ont mené à l'attaque terroriste à Ottawa dans la matinée du 22 octobre 2014. 

La GRC souhaite notamment obtenir des informations concernant les activités et les déplacements de Michael Zehaf Bibeau du 2 au 22 octobre 2014 inclusivement. Toute personne ayant des renseignements pertinents peut les faire parvenir à l'infoligne de sécurité nationale de la GRC au 1-800-420-5805 ou à l'adresse www.rcmp-grc.gc.ca