«Ce père, cette mère et ce frère ont tué leurs propres enfants. Ils l'ont planifié. Ils ont fait ce qu'ils avaient à faire. Mohammad Shafia a dit qu'il n'y avait pas d'autre moyen. C'est à votre tour. Déclarez-les coupables de toutes les accusations. En se basant sur la preuve, il n'y a pas d'autre moyen.»

C'est sur cette note à la fois impérieuse et dramatique que la procureure de la Couronne Laurie Lacelle a conclu sa plaidoirie, hier, au procès des trois Shafia, à Kingston. Malgré l'heure tardive - il était 19h05 -, il y avait encore beaucoup de monde dans la salle d'audience. Et on aurait pu entendre voler une mouche.

Pas de doute possible, selon la Couronne

Mohammad Shafia, sa femme, Tooba, et leur fils Hamed sont accusés du meurtre prémédité des soeurs Zaïnab, Sahar et Geeti ainsi que de Rona, première femme de Mohammad. Selon Me Lacelle, la preuve est irréfutable et il n'y a pas de doute possible. Bien sûr, il manque des éléments. Elle ne peut dire avec certitude comment et à quel endroit précisément les victimes ont été noyées avant de se retrouver au fond de l'écluse, dans la Nissan d'occasion achetée une semaine auparavant par Mohammad Shafia.

«Quand il y a quatre meurtres, que les seuls témoins sont morts ou accusés, c'est normal qu'il manque des bouts», a lancé Me Lacelle avant d'indiquer au jury que la Couronne n'avait pas à prouver tous les éléments. «La Couronne doit prouver qu'il y a eu meurtres et qu'ils ont été commis de propos délibéré. Sans savoir qui a fait quoi, la preuve montre que les trois ont participé avant, pendant et après.»

Selon Me Lacelle, c'est Mohammad Shafia qui a eu l'idée du meurtre par noyade. Son fils Hamed, qui a cherché des endroits où le faire, a été l'architecte principal du plan. Et Tooba Yahya a livré ses filles à la mort sans même tenter de les protéger. Les trois étaient aux écluses, et les trois ont participé aux quatre meurtres, a martelé Me Lacelle, hier.

La thèse de la défense réfutée

Elle a complètement réfuté la thèse de l'avocat de la défense, Peter Kemp, qui soutient que les accusés n'auraient jamais eu le temps de commettre les meurtres dans la nuit du 30 juin 2009 parce qu'il leur aurait fallu 117 minutes pour noyer les quatre femmes l'une après l'autre et les placer dans la Nissan. Me Lacelle estime que de 30 à 40 minutes auraient suffi pour les noyer jusqu'à la mort. S'ils les ont seulement noyées jusqu'à l'inconscience avant de les placer dans la Nissan, cela a pris encore moins de temps, a-t-elle suggéré. «Il leur restait une heure pour faire le reste», c'est-à-dire mener la voiture au bord du canal et la pousser avec la Lexus.

L'une des possibilités, selon Me Lacelle, est que les quatre femmes ont été noyées dans l'étang, dans une autre partie du lieu historique. Elles avaient peut-être les mains liées lorsqu'elles ont été noyées, ce qui expliquerait qu'elles n'avaient pas de plaies de défense. Trois des victimes avaient des contusions à la tête, ce qui est une indication que la force a été utilisée, croit la procureure.

Évacuation

Aujourd'hui, le juge donnera ses directives au jury, lequel commencera à délibérer dès après. Hier, l'audience n'a commencé qu'à 14h25 au lieu de 10h, en raison de l'évacuation du palais pour «préoccupations de sécurité». La police n'a pas voulu dire s'il s'agissait d'un appel à la bombe, mais c'est ce que la présence d'un chien détecteur a laissé supposer. De strictes mesures de sécurité ont été déployées et resteront en vigueur manifestement jusqu'à la fin.