Arrêté le 22 juillet 2009 en lien avec les meurtres de trois de ses filles et de sa première femme, Mohammad Shafia a clamé son innocence et persisté à dire que Rona, la plus âgée des victimes, était une cousine et non sa première femme.

L'homme est resté sur sa position, même lorsque l'enquêteur qui l'interrogeait, Shahin Mehdizadeh, lui a montré une photo où on voyait Mohammad Shafia avec Rona, à la fin des années 70, tous deux en tenue d'apparat, devant un gâteau de noces.

«C'était sa fête ou quelque chose d'autre. Ce n'était pas un mariage, je ne l'ai jamais épousée», s'est défendu Mohammad Shafia.

Pendant toute la durée de cet interrogatoire de deux heures, qui a été présenté au jury mercredi, à Kingston, Mohammad Shafia a nié avoir deux femmes et être impliqué de quelque manière que ce soit dans les meurtres des quatre membres de sa famille. La femme et les trois jeunes filles avaient été trouvées noyées dans une Nissan au fond de l'écluse de Kingston Mills, 22 jours auparavant. Mohammad Shafia, sa seconde femme Tooba et leur fils aîné Hamed ont été arrêtés à Montréal, le 22 juillet 2009, alors qu'ils se rendaient à l'aéroport. Ils ont été amenés à Kingston le jour même. Shahin Mehdizadeh, policier de la GRC établi en Colombie-Britannique, a été réquisitionné pour conduire les interrogatoires du couple parce qu'il parle le farsi. Le problème de langue ne se posait pas pour Hamed, puisqu'il parle très bien l'anglais.

L'enquêteur a expliqué, mercredi, qu'il a commencé par interroger la mère. À un certain moment, la femme a avoué que son mari, son fils et elle étaient sur les lieux lorsque la Nissan est tombée à l'eau. Mais le lendemain, la femme est revenue sur ses aveux et a affirmé que ce qu'elle avait dit la veille était faux.

L'enquêteur a alors interrogé Mohammad Shafia. Dès le départ, celui-ci a dit que son avocat lui avait conseillé de ne pas parler. Cela n'a pas découragé l'enquêteur, qui a continué de poser des questions.

DPJ et placement

Pendant l'interrogatoire, Mohammad Shafia a assuré qu'il n'y avait pas de problème dans sa famille, hormis le fait que plusieurs de ses enfants étaient menteurs. D'ailleurs, a-t-il dit, la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) s'en était aperçue et ne venait plus, car les enfants mentaient trop. C'était le cas notamment de Zainab, Sahar et Geeti, ses trois filles qui ont perdu la vie.

L'homme a raconté que la plus jeune des victimes, Geeti, 13 ans, s'était fait prendre à voler dans un Walmart (en mai 2009). Pourtant, elle avait des centaines de dollars dans son portefeuille. Elle aurait dit aux policiers que son père et sa mère la battaient et qu'elle voulait être placée par la DPJ. Le placement n'a jamais eu lieu.

Mohammad Shafia a aussi signalé qu'un homme avait déjà appelé à la maison pour dire qu'il tuerait Zainab. C'était peut-être de ce côté qu'il fallait chercher, a-t-il laissé entendre.

L'enquêteur a dévoilé différentes preuves pour démontrer que le trio n'avait pas été arrêté pour rien. «Vous avez commis de grosses erreurs», a répété le policier, qui a parlé des pièces de la Lexus trouvées sur les lieux du drame et des égratignures montrant que la Lexus de Mohammad Shafia avait poussé la Nissan dans l'eau.

«Impossible, non», a répété Mohammad.

L'enquêteur a aussi parlé de l'écoute électronique qui a permis d'enregistrer des propos compromettants. Mohammad a rétorqué qu'il savait parfaitement que sa maison était sur écoute. «Un enfant l'aurait su», a-t-il dit. L'homme a aussi assuré qu'il était ouvert d'esprit, qu'il s'adaptait bien à la vie au Canada et que ses filles étaient libres d'épouser qui elles voulaient.

Il est à noter que le précédent témoin, celui qui a affirmé que Mohammad Shafia lui avait demandé, en mai 2009, de faire venir sa fille aînée Zainab en Suède afin de l'y noyer, était Fazil Javid, frère aîné de Tooba. L'interdit de publication sur son identité a été levé à la fin de son témoignage.