En participant à une étude sur les travailleurs du sexe, en 2007, Luka Rocco Magnotta s'attendait  à ce que ses confidences restent confidentielles. Et même si l'homme est maintenant accusé de crimes sérieux (meurtre et obscénité entre autres), cette interview doit rester confidentielle. La police et la Couronne ne devraient pas y avoir accès.

C'est en résumé, ce qu'a fait valoir Me Peter M. Jacobsen, mercredi,  alors qu'il plaidait devant la juge de la Cour supérieure Sophie Bourque.  L'avocat ontarien représente deux criminologues de l'Université d'Ottawa, Colette Parent et Christine Bruckert, qui ont mené la recherche en question, Sex work and intimacy : escorts and their clients», en 2007. Cette recherche a été conduite en Ontario et au Québec, auprès d'escortes hommes, femmes, et des clients. Luka Rocco Magnotta a participé comme escorte mâle, sous le pseudonyme de Jimmy. L'entretien réalisé à Montréal le 29 mars 2007 dure deux heures et a été enregistré. «Jimmy» était interrogé par Adam McLeod, un étudiant de l'université Ottawa, embauché par les deux chercheuses. L'entrevue était faite sous le sceau de la confidentialité. Mais voilà, en mai dernier, quand un mandat d'arrestation international a été lancé contre Magnotta pour le meurtre et le démembrement de l'étudiant chinois Lin Jun, M. McLeod a reconnu la photo de Magnotta, alias Jimmy. Le 31 mai, il a contacté la police pour dévoiler l'existence des confidences faites par Magnotta lors de la recherche. Trois semaines plus tard, après l'arrestation de Magnotta à Berlin, la police du SPVM  a décidé de saisir le matériel en question, pour voir s'il pourrait apporter de l'eau au moulin de son enquête. Avisées que cette perquisition allait avoir lieu, les chercheuses ont confié le matériel à l'avocat Jacobson. Ce dernier et la police se sont entendus pour que le matériel soit mis sous scellé, en attendant que la Cour tranche.

Les Dr Parent et Bruckert s'opposent à l'utilisation de ce matériel, au motif que si la confidentialité devait être violée, il serait beaucoup plus difficile voire impossible de recruter des participants à des études dans le futur.

Recherche de la vérité

Le procureur de la Couronne Alexandre Boucher soutient de son côté que la recherche de la vérité dans le cas d'un crime aussi grave, prime sur la confidentialité. L'avocat signale qu'il n'y  peut-être rien de pertinent dans le matériel. Mais cela pourrait avoir un intérêt si Magnotta parle de sa vie de prostitué, de violence, de ses pratiques sexuelles, de sa condition mentale... Vu le caractère scabreux et aberrant de l'affaire, l'état mental de Magnotta pourrait être un enjeu au procès, soutient-il. Il demande à la juge de regarder le matériel avant de trancher. Après l'avoir visionné, la juge pourrait aussi conclure que ce n'est pas à elle de décider, mais plutôt au juge qui présidera le procès de Magnotta, suggère Me Boucher. Les deux chercheuses préféreraient pour leur part que la juge ne prenne pas connaissance du matériel.

Le débat, qui se tient en l'absence de Luka Rocco Magnotta, se poursuivra jeudi matin. Rappelons que l'homme de 30 ans doit revenir en Cour du Québec la semaine prochaine, pour la suite de son enquête préliminaire pour le meurtre de Lin Jun. Il est aussi accusé d'outrages à son cadavre, de diffusion de matériel obscène, d'utilisation de la poste pour envoyer du matériel obscène et de harcèlement envers le Premier ministre Stephen Harper et les membres du Parlement. L'étudiant de 30 ans aurait été tué le 25 mai dernier.