«Mon fils reposera enfin en paix dans ce pays qu'il aimait.» Deux mois après son meurtre sordide, la dépouille de l'étudiant chinois Lin Jun a été portée en terre jeudi matin après une cérémonie empreinte d'une profonde tristesse à laquelle la mère de la victime n'a pas eu la force d'assister.

Affligé, son père a été incapable de retenir ses sanglots. Quelques minutes avant l'office, célébré dans une petite salle du centre funéraire Côte-des-Neiges, à deux pas de l'appartement où vivait le défunt, il s'est effondré sur l'urne contenant les cendres de son fils en laissant échapper de longues plaintes. Une jeune amie de la victime, ses longs cheveux roux remontés en chignon, a dû demander de l'aide pour desserrer les bras de l'homme d'autour de la petite boîte et le soutenir jusqu'en dehors de la pièce. Dans la salle, une soixantaine d'amis, de membres de la communauté chinoise de Montréal et de simples citoyens ont baissé les yeux.

«Les 69 dernières journées ont été les plus difficiles pour la famille de Jun, a dit le père Henry Rodriguez dans son homélie en anglais. Sa mort a été cruelle, horrible et indigne. Sa vie a été interrompue de façon inattendue par un acte maléfique.» Ce sont là les seules paroles que l'homme de Dieu a prononcées au sujet du crime. Avant la cérémonie, chrétienne mais inspirée de la tradition bouddhiste, il avait annoncé vouloir célébrer le défunt. «Nous avons souligné surtout la vie du meurtrier et bien peu celle de Lin Jun, qui a pourtant été merveilleuse», a-t-il expliqué. Il a dit qu'il souhaitait aider les proches à fermer la boucle. «Jun aimait les gens. Il voulait aider les autres. Il était gentil et généreux et n'a jamais fait de mal à personne. Il faisait confiance à tout le monde.»

Diran Lin et sa fille de 22 ans ont écouté en silence les paroles du prêtre, qu'ils ne comprenaient pas. Un interprète leur a chuchoté quelques mots à l'oreille. M. Lin a fondu en larmes lorsque le prêtre l'a invité à allumer une bougie en mémoire de son enfant disparu.

La famille et les proches se sont ensuite rendus au cimetière afin d'enterrer les centres de l'étudiant de 33 ans, victime alléguée de Luka Rocco Magnotta. La mère du défunt, Zhigui Du, a choisi de ne pas y aller. «C'est trop pour elle», a expliqué un ami montréalais de Lin Jun, David Li. Pendant que son mari et sa fille disaient un dernier adieu au disparu, Mme Du a accepté de s'adresser aux médias. Le visage caché par de grosses lunettes noires, les cheveux ébouriffés, elle n'est parvenue à prononcer que quelques mots en chinois pour expliquer que c'est au nom de l'amour de Lin Jun pour Montréal qu'ils ont décidé de l'enterrer ici. «C'était sa ville favorite.»

Le reste de son message a été transmis par des membres de la communauté chinoise montréalaise, qui ont lu sa déclaration pendant qu'elle s'essuyait les yeux. Par la voix de ses interprètes, la femme a dit éprouver de la compassion pour le meurtrier de son fils. «Au début, mon coeur était rempli de rage, mais lorsque j'en ai appris un peu plus sur le suspect, en particulier à propos de sa malheureuse éducation, une autre partie de moi a vu se développer une idée de sympathie pour cette personne décrite comme le diable.»

Afin de remercier les Canadiens pour leurs «messages de réconfort et de sympathie et pour toute l'aide qu'ils lui ont apportée», et pour garder vivante la mémoire de Lin Jun, la famille a annoncé la création d'une fondation à son nom afin d'aider les jeunes en détresse, «pour qu'ils puissent trouver ou retrouver leur voie vers un foyer aimant».

La famille de l'étudiant en informatique à l'Université Concordia restera dans la métropole jusqu'au procès de Luka Rocco Magnotta, qui aura lieu au mois de mars.