La première présence en cour de Luka Rocco Magnotta n'aura duré que quelques minutes. L'homme de 29 ans est apparu devant la juge par vidéoconférence au palais de justice de Montréal le temps de plaider non coupable.

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Calme, docile même, il n'a prononcé qu'un seul mot : «Ok».

Si les autorités ont choisi de le faire comparaitre via un écran, pratique habituellement réservée pour les comparutions du samedi, ce n'est pas tant parce qu'ils craignent pour sa sécurité qu'à cause du cirque ingérable et potentiellement dangereux que provoque sa présence. «Tout ce qui s'est fait depuis hier a été calculé. Nous devons assurer l'ordre et la sécurité de tout le monde», dit le commandant Ian Lafrenière, du SPVM.

Les policiers craignaient que des foules se déplacent pour tenter d'apercevoir «le démembreur». Lundi, au passage du long cortège qui le transportait entre l'aéroport de Mirabel et le Centre opérationnel Nord de la police de Montréal, des curieux se sont arrêtés sur des viaducs dans l'espoir de le voir alors que des médias le suivaient en direct en hélicoptère. Des autopatrouilles avaient été chargées de décourager la moindre tentative de poursuivre le convoi sur l'autoroute. On voulait éviter une scène semblable au tribunal.

Malgré son absence, annoncée à l'avance, la salle d'audience du palais de justice était bondée. Les constables spéciaux ont même dû en ouvrir une deuxième afin d'accommoder tout le monde. La très brève comparution s'est déroulé en anglais devant la juge Lorie-Renée Weitzman, en présence des deux procureurs de la Couronne affectés au dossier, Hélène Di Salvo et Louis Bouthillier. L'avocat de la défense Pierre Panaccio représentait l'accusé. Il n'a pas souhaité accorder d'entrevue. Au moins un autre avocat risque de se joindre à lui d'ici les prochains jours. Selon nos informations, il pourrait s'agir d'un criminaliste de l'Ontario, province natale de Magnotta.

Ce dernier est apparu à l'écran peu après 14 h, vêtu d'un grand chandail vert, en direct du centre opérationnel. C'est menotté et encadré par deux agents qu'il a officiellement fait face à plusieurs chefs d'accusation, dont ceux de meurtre prémédité, d'outrage à un cadavre et de harcèlement envers le premier ministre Stephen Harper. Durant les quelques minutes qu'a duré la séance, il est resté debout, l'air sérieux et impassible. Son avocat étudie maintenant la possibilité de déposer une requête d'évaluation psychiatrique, qui serait entendue jeudi. Magnotta devrait encore comparaître par vidéoconférence.

Dans la salle, mardi, de nombreux journalistes, mais aussi des badauds de tous âges, dont une poignée d'élèves de première secondaire qui était venu voir le vilain de l'heure. «Je veux devenir avocat alors ce cas m'intéresse beaucoup», a dit l'un d'eux. «Je ne vois pas comment il va pouvoir se défendre avec toutes les preuves qu'il y a contre lui », a ajouté un autre. Les garçons ont admis que certains de leurs amis avaient choisi de ne pas venir à cause de la violence du crime. «Ils avaient peur. Mais nous, on ne vient pas pour ça. On veut juste voir ce que va faire son avocat.»

Les familles de l'accusé et de la victime n'étaient pas présentes au palais de justice. Jointe lundi par La Presse, la mère de l'accusé, Anna Yourkin, a refusé de commenter le retour au pays de son fils. La famille de l'étudiant chinois Lin Jun, qui est arrivée à Montréal il y a quelques semaines, avait pour sa part autre une rencontre, dont l'objet n'a pas été dévoilé, prévue en après-midi.

Aussitôt la comparution terminée, Magnotta a été installé dans un fourgon cellulaire du ministère de la Sécurité publique et a quitté le Centre opérationnel Nord du SPVM où il était détenu depuis son retour au pays, lundi, à bord d'un avion militaire. Escorté par une camionnette, gyrophares allumés et sirène hurlante, il a pris la direction de la prison de Rivière-des-Prairies, où il était attendu de pied ferme par les gardiens. L'accusé a été interrogé avant son transfert, mais il n'a toujours pas révélé où se trouve la tête manquante de la victime. Les enquêteurs devraient le rencontrer à nouveau sous peu.

Bien que le ministère ait refusé de dévoiler ses conditions de détention pour des raisons de «sécurité» et de «confidentialité», de nombreux intervenants du milieu s'attentent qu'il soit séparé des autres détenus afin d'éviter que certains s'en prennent à lui. L'avocate qui le représentait en Allemagne, où il est resté près de deux semaines, a raconté à plusieurs médias européens que le prévenu avait peur d'être tabassé.

Avec la collaboration de David Santerre