«Tu diras à Isabelle que j'ai fait ça pour la faire chier, pour lui enlever ce qu'elle avait de plus précieux.» 

À sa deuxième journée de plaidoirie, l'avocat de la défense Pierre Poupart a mis en garde le jury face à cette phrase dévastatrice pour Guy Turcotte. Ces mots incriminants ont  été rapportés pour la première fois au deuxième procès de M. Turcotte, par un témoin qui avait pourtant témoigné au premier procès.

Ce témoin, c'est Chantal Duhamel, une infirmière qui s'est occupée de M. Turcotte pendant plusieurs heures à l'hôpital de Saint-Jérôme, le 21 février 2009. M. Turcotte y avait été transporté sur l'heure du midi, intoxiqué au lave-glace et taché de vomissures et du sang de ses enfants. Il était agité, pleurait, ne voulait pas qu'on le touche. Il répétait: «j'ai tué mes enfants, je ne mérite pas d'être ici, occupez-vous pas de moi.» Il disait aussi avoir tué ses enfants pour qu'ils ne souffrent pas de la séparation. Il implorait Mme Duhamel, qu'il connaissait parce qu'il était cardiologue au même hôpital, de rester avec lui, car il avait tué ses enfants.

Selon Mme Duhamel, plus tard dans l'après-midi, elle ne peut être précise, M. Turcotte lui aurait lancé la fameuse phrase, qui transpire la vengeance. Le problème, c'est qu'elle n'avait jamais parlé de cela auparavant. Ni dans les déclarations complètes et signées qu'elle avait données à la police, les 21 et 24 février 2009, ni lorsqu'elle a témoigné au procès devant jury, en avril 2011.

Me Poupart soumet qu'il est «invraisemblable» que pendant six ans et demi, un témoin ait retenu une information aussi <radicalement importante et capitale> pour décider du sort de M. Turcotte.

«Il y a des témoins qui pensent dire la vérité et qui se trompent. Et ils trompent les juges», a fait valoir l'avocat, en soulignant aux onze membres du jury que ce sera à eux d'évaluer le témoignage.

S-T: Carnage

Un peu plus tôt dans sa plaidoirie, Me Poupart avait convenu que ce qui s'était passé dans la maison de Piedmont, était un carnage. «Le carnage n'a jamais été nié. Vingt-sept coups de couteau à l'un (Olivier), 19 à l'autre (Anne-Sophie.) On aurait pu admettre tout ce que François Julien (biologiste judiciaire expert en projections de sang)  est venu dire. M. Turcotte n'a jamais nié. Il faut maintenant essayer de «dénouer le mystère de l'état mental de celui qui a fait ÇA.»

Et pour y arriver, plaide la défense, il faut regarder tout le tableau, ne pas se limiter, ne pas simplifier. Guy Turcotte aimait ses enfants plus que tout, et c'était un bon père. Rien ne laissait présager ce qui allait arriver. Isabelle Gaston ne s'en est pas doutée un seul instant, elle l'a admis lors de son témoignage. Ils étaient séparés depuis peu, il y avait des tensions, mais ils devaient aller en médiation. Le fameux vendredi, quand il a su qu'elle avait fait changer les serrures et qu'il lui a dit: tu veux la guerre tu vas l'avoir, elle a pensé qu'il pourrait se venger en «loadant» les cartes de crédit. Jamais en faisant du mal aux enfants. 

«La Couronne va dire qu'il s'est vengé de sa femme en poignardant les enfants! Voici les gestes d'un homme qui s'est rendu compte de la souffrance de ses enfants, et qui a continué, a tonné Me Poupart. La défense va vous dire que c'est le fait d'une personne qui était non responsable à cause de son état mental. Et la raison va vous dire que ce sont les gestes d'une personne malade.»

Me Poupart reprend presque tous les témoignages un à un pour faire ressortir ce qu'il juge important. Il poursuivra sa plaidoirie jeudi. M. Turcotte est accusé des meurtres prémédités de ses enfants. Il a présenté une défense de non-responsabilité pour troubles mentaux. Les psychiatres s'entendent pour dire qu'il souffrait d'un trouble d'adaptation avec humeur dépressive au moment des faits. Ils ne s'entendent pas sur la responsabilité mentale de M. Turcotte.