Guy Turcotte aurait bu du lave-glace dans l'avant-midi du 21 février 2009, peu de temps avant d'être arrêté par les policiers. Cette surprenante révélation a été faite en fin d'après-midi, mercredi, lors du témoignage du Dr Martin Laliberté.

Le Dr Laliberté, expert en médecine d'urgence et toxicologie médicale,  a été assigné à témoigner pour parler du méthanol et ses effets sur le corps humain, dans le cadre de la contre-preuve de la Couronne. Le médecin, qui est président de l'Association canadienne des centres antipoison, dit être familier avec le méthanol. Ce genre d'intoxication est plus courante qu'on pense. Pour l'année 2014, il y a eu 285 expositions au méthanol, dont 152 par voie orale. 

Selon lui, le méthanol contenu dans le lave-glace n'a pas ou peu d'effet sur le cerveau, et il n'altère pas de façon importante l'état de conscience.  «On peut avoir de la somnolence, mais on ne peut pas se fier à l'état de conscience du patient, il faut faire le test», a-t-il dit, tout en précisant souvent que «c'est la dose qui fait le poison.» 

Symptômes

Les premiers symptômes lors d'un empoisonnement au méthanol sont les nausées, les vomissements, les crampes abdominales, une sensation de plénitude. Plus tard, il peut y avoir une respiration rapide, et une diminution de l'état de conscience. Il a souligné qu'en raison des vomissements, une partie du lave-glace consommé est rejeté sans être métabolisé. La personne peut en boire plusieurs fois par contre. 

La quantité de lave-glace consommée par l'accusé, de même que le moment où il l'a fait,  reste une énigme. Lors de son hospitalisation à Saint-Jérôme, le 21 février 2009, il disait en avoir pris environ deux litres, à huit heures (la veille).

Mais le Dr Laliberté est formel: pour que le taux de méthanol dans le sang de M. Turcotte ait grimpé après son admission à l'hôpital de Saint-Jérôme,  ce jour-là, il faut qu'il en ait consommé au plus tôt une heure et demie avant. Ce qui donnerait aux environs de onze heures ce matin-là. Les policiers sont arrivés un peu avant 11h30 et l'ont découvert caché sous son lit, taché sang et de vomissures, mais conscient.

À son arrivée à l'hôpital , à 12 h 27, son taux de méthanol était de 310. À 14 h 45, il avait grimpé à 395. La seule façon d'expliquer cette augmentation est que du méthanol n'avait pas encore été absorbé par son tube digestif à son arrivée, selon le Dr Laliberté. Il faut entre 30 et 90 minutes au tube digestif pour absorber le méthanol. 

Aujourd'hui, M. Turcotte dit ne pas se rappeler quand et combien de lave-glace il a consommé. Il a des flashs. Il faisait noir. Il se sentait le ventre plein. Et c'est quand il s'est «vu mort», couché dans son lit, qu'il a pensé à amener les enfants avec lui, dit-il. À la psychiatre France Proulx, il s'est dit convaincu d'en avoir bu avant de se rendre dans la chambre de ses enfants.

La Dre Proulx a pour sa part fini de témoigner mercredi après-midi. Elle a été  mandatée cette année par la Couronne, pour évaluer l'état mental de M. Turcotte au moment où il a tué ses enfants.  Elle a rencontré M. Turcotte pendant deux heures, en août dernier et a pris connaissance de la preuve et de témoignages, mais pas tous.

«J'en avais suffisamment pour pouvoir donner mon opinion et compléter le travail qui m'était demandé», s'est défendue la Dre Proulx, alors qu'elle était contre-interrogée par l'avocat de la défense, Pierre Poupart. 

La Dre Proulx conclut, comme les autres psychiatres qui ont évalué M. Turcotte avant elle, que celui-ci souffrait d'un trouble d'adaptation avec humeur dépressive au moment des faits. À la différence des experts psychiatres qui ont témoigné en défense, elle soutient que la maladie n'empêchait pas M. Turcotte de savoir ce qu'il faisait, ni de connaître la raison des ses gestes et leurs conséquences.

Le procès se poursuit jeudi avec la suite du témoignage du Dr Laliberté. C'est le dernier témoin du procès. Les plaidoiries devraient avoir lieu la semaine prochaine. M. Turcotte est accusé des meurtres prémédités de ses enfants, Olivier, cinq ans, et Anne-Sophie, trois ans.

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Le méthanol est un solvant industriel qui entre dans la composition d'un grand nombre de produits de consommation, comme le lave-glace, l'antigel, le combustible à fondue. Certains s'en servent aussi pour faire de la «bagosse», selon le Dr Laliberté.

Le méthanol n'est pas toxique en soi. C'est sa métabolisation en acide formique par le corps qui est toxique.