Alors qu'il était intoxiqué et hospitalisé aux urgences de l'Hôtel Dieu de Saint-Jérôme, l'après-midi du 21 février 2009, Guy Turcotte voulait qu'on le laisse mourir et disait avoir tué ses enfants pour leur éviter de souffrir de la séparation. Mais il aurait aussi dit à une infirmière de passer un message à Isabelle Gaston : « Dis-lui que j'ai fait ça pour la faire chier. Pour lui enlever ce qu'elle avait de plus précieux. »

C'est l'élément nouveau que l'infirmière Chantal Duhamel a apporté mardi, dans son témoignage. En contre-interrogatoire, Mme Duhamel a admis qu'elle n'avait jamais parlé à la police de la portion concernant Isabelle Gaston dans ses deux déclarations après le drame, en 2009, ni lors de son témoignage au premier procès de M. Turcotte, en 2011.

« On ne m'a pas posé de question là-dessus », a-t-elle dit pour sa défense. Mais Me Guy Poupart lui a alors exhibé un passage du premier procès où on lui demandait si elle avait autre chose à dire sur les verbalisations de M. Turcotte à l'urgence. Elle n'en avait pas parlé.

Quatre personnes ont témoigné mardi au sujet de la brève hospitalisation de M. Turcotte à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme le 21 février 2009, jour du drame. Vers midi, le personnel des urgences avait été prévenu qu'on attendait l'arrivée d'un patient intoxiqué qui avait possiblement tué ses enfants. Le choc avait été total quand les employés avaient réalisé que cet homme était leur collègue, le cardiologue Guy Turcotte. « L'urgence a cessé de fonctionner pendant une vingtaine de minutes », a dit une infirmière.

La Dre Marie-Pierre Chartrand était de garde à l'urgence. Elle se souvient que M. Turcotte pleurait et parlait beaucoup, et qu'il était en détresse psychologique. Il ne portait qu'un pantalon, pas de chandail. Il avait du vomi autour de la bouche et sur lui, et du sang séché sur les mains. Il demandait de le laisser mourir, disait que sa vie était finie. Il était toutefois en contact avec la réalité, et essayait de les convaincre de ne pas le soigner. Il était intoxiqué. Il a pris les mains de Guylaine Paquette, l'assistante infirmière-chef, et les a serrées très fort.

« Il m'a dit : "Si tu savais ce qu'elle m'a fait endurer. Elle avait tout ce qu'elle voulait, elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Elle voyageait où elle voulait" », a raconté Mme Paquette.

Il a aussi serré les mains de Mme Duhamel, lui disant : «Reste avec moi, laisse-moi pas, j'ai tué mes enfants.»

M. Turcotte a fait croire qu'il avait pris du Tylenol. Mais c'était faux, comme l'ont prouvé les tests. La Dre Chartrand est retournée le voir pour le confronter. M. Turcotte a négocié avec elle afin de connaître son résultat de test. « Il m'a dit : "Je vais te le dire si tu me donnes mon pH et mes bicarbonates." »

La Dre Chartrand lui a révélé les résultats et M. Turcotte s'est mis à pleurer. Ensuite, il a dit qu'il avait pris deux litres de méthanol la veille, à 20 h, selon un autre témoin.

Vers 15 h 15, pour combattre l'effet toxique du méthanol, on lui a installé une perfusion d'alcool. Son comportement a changé en quelques minutes. Il est devenu comme en état d'ébriété et verbalisait encore plus. Il faisait des blague et souriait, a raconté l'infirmière Josée Guillemette.

La présence de Guy Turcotte dans les circonstances était difficile à gérer émotivement pour le personnel, et la décision a été prise de l'envoyer dans un autre hôpital en milieu d'après-midi. « On n'était pas capable de donner des soins objectifs. On a réussi dans le contexte d'urgence, mais pour la santé mentale du personnel, il n'était pas souhaitable de le garder. Tout le monde était bouleversé. On travaillait avec Isabelle Gaston, certains d'entre nous connaissaient ses enfants », a affirmé la Dre Chartrand.

M. Turcotte a été envoyé à l'Hôpital du Sacré-Coeur, à Montréal, plus tard dans l'après-midi. L'infirmière Duhamel l'a accompagné dans l'ambulance.

Le procès se poursuit mercredi.