L'audience devait durer deux jours mais elle s'est conclue en moins d'une journée. Le sort de Guy Turcotte est désormais entre les mains de la Cour d'appel, qui devra décider si l'ex-cardiologue doit subir un nouveau procès pour les meurtres de ses enfants.

Les juges Nicole Duval Hesler, François Doyon et Jacques Dufresne ont mis l'affaire en délibéré et rendront leur décision à un moment indéterminé. 

En 2011, au terme de son procès devant jury, M. Turcotte avait été déclaré non criminellement responsable des meurtres de ses deux enfants, Olivier, cinq ans et Anne-Sophie, trois ans, survenus le 20 février 2009, à Piedmont. Le drame s'était produit dans un contexte de séparation. Détenu à l'Institut Philippe-Pinel après le procès, M. Turcotte a fini par retrouver sa liberté en décembre dernier. Le procureur de la Couronne Me Pennou voudrait le ramener devant la justice. 

Me Pennou invoque des erreurs de droit dans les directives que le juge Marc David a données au jury. Il trouve notamment que le trouble mental a été mal expliqué, que l'intoxication ne devait pas être considérée puisqu'elle était volontaire, et que le verdict de non-responsabilité criminelle n'aurait pas dû être ouvert. Le procureur a rappelé que M. Turcotte n'avait jamais souffert de maladie mentale auparavant.

Pas de question 

L'avocat de la défense Pierre Poupart estime pour sa part que les choses ont été faites dans les règles. Lors de ses délibérations, le jury n'avait d'ailleurs posé aucune question, a-t-il signalé. 

Il a rappelé que la seule cause qui conduit à la non responsabilité criminelle est la maladie mentale. Guy Turcotte a été traité à l'Institut Philippe-Pinel, et même s'il est libre, il est toujours sous la responsabilité de la Commission d'examen des troubles mentaux, qui doit le réévaluer chaque année.

Isabelle Gaston, ex-conjointe de M. Turcotte et mère des petits défunts, a assisté à l'audience, et suivait avec attention. Même si les débats en Cour d'appel sont très techniques parce qu'on y discute de points de droits, elle s'y retrouvait bien. Depuis le procès Mme Gaston, médecin elle aussi, a beaucoup lu sur le droit et la non responsabilité criminelle. Elle a entrepris une croisade pour dénoncer ce qu'elle considère comme du marchandage des expertises à la Cour. Elle n'accepte pas que des experts dans le même domaine, dans ce cas ci la psychiatrie légale, puissent donner des avis tout à fait opposés. Dans le cas de Guy Turcotte, les trois psychiatres s'entendaient pour dire que M. Turcotte souffrait d'un trouble d'adaptation au moment des crimes. Les deux experts de la défense ont soutenu que ce trouble, combiné avec le raptus suicidaire et l'intoxication au lave-glace avaient enlevé le «libre arbitre» à M. Turcotte. L'expert de la Couronne soutenait pour sa part que M. Turcotte n'était pas déconnecté de la réalité.

Au terme de l'audience, Mme Gaston s'est montrée confiante d'obtenir un second procès, bien qu'elle ne veuille présumer de rien. «Je vais toujours demeurer avec une certaine crainte. Depuis le début, cette cause là n'a jamais évolué selon ce que tout le monde s'attendait.»