Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour par notre journaliste. Nous préférons vous en avertir.

(Saint-Jérôme) Les plaies infligées aux petits Olivier et Anne-Sophie étaient si épouvantables que ça «ne peut pas être la signature d'un être rationnel et normal», a plaidé Me Pierre Poupart, hier, au procès de son client, Guy Turcotte, accusé du meurtre de ses deux enfants.

À cet instant précis, Isabelle Gaston, ex-conjointe de l'accusé et mère des petits défunts, est sortie avec fracas de la salle d'audience, les larmes aux yeux.

Cette sortie a bien sûr été remarquée. Le juge a décrété une courte pause pour s'entretenir avec les avocats. À la reprise de l'audience, il a avisé les jurés de ne pas tenir compte de l'incident et leur a rappelé qu'ils devaient juger selon la preuve, en toute indépendance et impartialité.

Me Poupart a repris sa plaidoirie là où il avait été interrompu, c'est-à-dire dans son analyse du témoignage du pathologiste André Bourgault, qui a réalisé l'autopsie sur le corps des enfants. Ceux-ci ont été poignardés à de multiples reprises. Le petit garçon avait des plaies de défense, la fillette avait des cheveux arrachés - les siens - dans les mains.

«Quand une personne comme Guy Turcotte se livre à des gestes comme ça, c'est un des éléments de la signature de la maladie mentale qui l'empêchait de juger de ses gestes», a lancé l'avocat. Il a indiqué que le psychiatre appelé par la Couronne, le Dr Sylvain Faucher, avait plutôt vu là du sadisme et de la colère, une explication qu'il a proposé au jury de considérer comme «non avenue».

L'avocat a annoncé lundi que sa plaidoirie serait longue, et il tient parole. Il reprend chacun des témoignages un à un et s'efforce de faire des liens pour le jury. Hier, il a signalé qu'il prenait le temps de faire les liens entre des choses «hyper-ennuyantes» parce que cela permet de tirer de la preuve des éléments très précieux. L'un d'eux est le fameux bouchon de lave-glace trouvé sur la table de chevet de M. Turcotte. Il n'y avait pas de sang sur ce bouchon, alors qu'il y en avait sur le bidon. Cela démontre que le bouchon a été enlevé avant la mort des enfants, dit-il.

«On a badtrippé sur l'absence de repères temporels dans cette cause. Y a-t-il de quoi qui permettrait de s'agripper? Il y a le bouchon, le maudit bouchon. Ce cercle blanc virginal est important. Il en a bu avant de causer la mort de ses enfants», a-t-il martelé d'une voix forte.

La preuve ne démontre pas à quelle heure les enfants ont été tués. Guy Turcotte affirme les avoir mis au lit, à l'étage, puis être descendu au rez-de-chaussée. De crainte de les réveiller s'il regardait la télévision, il a ouvert l'ordinateur. Il était 18h20. Il a affiché des courriels que Mme Gaston et son amant, Martin Huot, avaient échangés. Il a ensuite consulté des sites sur les manières de se suicider sans douleur avant de revenir aux courriels. Le dernier document a été affiché à 20h09. À 20h27, il a appelé la voisine qui devait garder les enfants le lendemain pour la décommander. «Mes plans ont changé. Je n'aurai plus besoin de vous, merci beaucoup», a-t-il dit avant de raccrocher. Il a aussi laissé un message à l'agent immobilier avec lequel il devait, le lendemain, visiter une maison qu'il voulait acheter, afin de le prévenir qu'il ne serait pas là. Quelques minutes plus tard, il a téléphoné à sa mère et s'est entretenu avec elle jusqu'à 21h40.

Après, on ne sait plus. «C'est le désert jusqu'à ce que les policiers arrivent le samedi matin, vers 11h30», a rappelé Me Poupart. Les policiers ont trouvé les enfants morts dans leur lit respectif, et Guy Turcotte sous son propre lit, intoxiqué au lave-glace.

Un bon gars

Hier après-midi, Isabelle Gaston était de retour dans la salle d'audience. Me Poupart a continué de décortiquer les témoignages, dont celui de Mme Gaston. Le jour du drame, Mme Gaston est partie pour un week-end de ski au Massif, une activité à laquelle elle se livrait chaque année avec des amies. Elle n'a jamais pensé que son ex-conjoint ferait du mal aux enfants. Personne ne le pensait, d'ailleurs, a fait ressortir Me Poupart, car Guy Turcotte était connu comme un bon gars, et un bon papa, qui aimait profondément ses enfants.

En fin d'après-midi, hier, Me Poupart a fini de réviser les déclarations des témoins de la Couronne. Il amorcera ce matin le témoignage de son client, qui a duré plusieurs jours. Il abordera aussi la preuve d'experts. Quand il aura terminé, ce sera au tour de la procureure de la Couronne Claudia Carbonneau de faire sa plaidoirie.