Le procès du cardiologue Guy Turcotte est particulièrement éprouvant. Certains détails difficiles à supporter sont dévoilés jour après jour par notre journaliste. Nous préférons vous en avertir.

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En tant que médecin, Guy Turcotte avait facilement accès à des médicaments potentiellement mortels. Mais il n'a jamais pensé à en utiliser pour se suicider.

C'est ce que M. Turcotte a admis hier, alors qu'il était contre-interrogé par la procureure de la Couronne Claudia Carbonneau, au palais de justice de Saint-Jérôme. L'homme de 39 ans est accusé d'avoir tué avec préméditation ses deux enfants, le 20 février 2009, dans un contexte de séparation. Il a ensuite bu du lave-glace pour s'enlever la vie. Or, la Couronne semble douter de sa réelle intention suicidaire parce qu'il a choisi le méthanol pour mourir, ce qui provoque une mort lente qui peut prendre des jours. Et encore, à condition de ne pas recevoir de soins médicaux.

M. Turcotte, qui est cardiologue, a fait valoir que l'idée des médicaments ne lui a jamais traversé l'esprit parce que, lorsqu'il se trouvait au travail, à l'hôpital, il ne pensait «jamais au suicide». En ce qui concerne le méthanol, contenu dans le lave-glace, il savait que c'était une substance toxique, mais non qu'il mettrait des jours à mourir. «Je pensais que je serais tombé dans le coma et que je serais mort en 12 à 24 heures», a-t-il dit. Ce n'est pas ce que signale la documentation, a fait remarquer Me Carbonneau. En fait, ce sont les symptômes qui apparaissent de 12 à 24 heures après l'absorption du produit. Il faut du temps à l'organisme pour métaboliser le méthanol et pour que la toxicité fasse ses ravages.

Tentative de suicide

En début de soirée, le 20 février 2009, il a lu les courriels que son ex-conjointe, Isabelle Gaston, avait échangés avec son amant, Martin Huot. Il a constaté que les deux s'aimaient vraiment, ce qui lui a causé une souffrance telle qu'il a voulu mourir. Il a cherché sur l'internet des moyens de se suicider. Il a lu sur l'éthylène glycol (contenu dans l'antigel), sur le méthanol et sur l'alcool à brûler. «J'ai appris de mes lectures que l'éthylène glycol est le plus toxique. J'aurais aimé en avoir», a-t-il dit. Comme il n'a pas trouvé d'antigel, il a bu du lave-glace.

Me Carbonneau a demandé à M. Turcotte s'il avait tenté de se tuer avec du lave-glace parce qu'il était déjà arrivé un incident avec sa fille Anne-Sophie et ce produit. Un jour, Mme Gaston a vu la fillette manipuler un bidon de lave-glace. Affolée à l'idée que la petite en avait peut-être consommé, elle s'est précipitée à l'hôpital Sainte-Justine avec l'enfant. M. Turcotte, lui, était resté à la maison et n'avait pas semblé trop s'en faire. Il a répondu que sa tentative de suicide n'avait aucun lien avec cet incident.

Me Carbonneau a aussi questionné M. Turcotte au sujet de sa famille. Ses parents, très religieux, vont à la messe tous les dimanches et font partie d'un mouvement de prière et de réflexion. Ils ont élevé leurs enfants dans les principes stricts du catholicisme. Me Carbonneau a demandé à M. Turcotte pourquoi, au début de son témoignage, il avait choisi de faire une déclaration solennelle plutôt que de jurer sur la Bible de dire toute la vérité. «Ma perception est différente de celle de mes parents pour la religion. Je me considère comme athée», a répondu M. Turcotte. Il a ajouté qu'il avait mis la religion de côté à l'adolescence, ce qui avait fait beaucoup de peine à ses parents.

Me Carbonneau est revenue à la charge en lui demandant pourquoi, alors, le mariage était si important pour lui.

«C'est une forme d'engagement particulier», a-t-il dit.

Le contre-interrogatoire de M. Turcotte se poursuivra lundi. Le procès amorcera alors sa cinquième semaine. La défense a commencé à présenter ses témoins lundi dernier. M. Turcotte a témoigné toute la semaine. Rappelons qu'il a admis avoir poignardé à mort ses deux enfants, Olivier, 5 ans, et Anne-Sophie, 3 ans. L'enjeu du procès est de déterminer dans quel était d'esprit il était au moment de commettre ce terrible geste.