Denise Robert, la productrice du documentaire La parfaite victime, d’Émilie Perreault et de Monic Néron, consacré aux victimes d’agressions sexuelles prises dans les méandres du système judiciaire, avait des raisons bien personnelles de s’investir dans ce projet. Elle dit avoir elle-même été agressée à plusieurs reprises.

« J’ai été agressée cinq fois. Et violée deux fois. De gros viols, [commis par] une personne extrêmement connue. Je me suis dit : personne ne va me croire », a-t-elle révélé jeudi à La Presse, en marge de la présentation aux médias d’un autre long métrage qu’elle produit, Sam, de Yan England.

Elle affirme qu’elle avait seulement 5 ans lorsqu’elle a été victime d’un premier agresseur, un membre du clergé aujourd’hui disparu. Elle avait rencontré ce curé à Québec où son père faisait des études en théologie. Sa mère lui faisait porter de petites robes à crinoline, dit-elle, et l’homme mettait « ses mains, ses doigts, dans nos fesses ». Elle s’est confiée à sa mère, qui ne l’a pas crue.

« Après ça, il y a eu quatre autres fois [dont] une séquestration épouvantable », indique-t-elle avec émotion.

Lorsque La Presse lui a demandé si elle avait envisagé de porter plainte dans l’une de ces situations, elle a répondu : « J’ai eu trop peur. »

Mais jeudi, elle a estimé que le temps était venu de raconter son histoire. Pourquoi maintenant ? Parce qu’elle a été inspirée par le courage de la plus jeune des témoins du film d’Émilie Perreault et de Monic Néron, Charlotte, âgée de 9 ans, qui s’est battue pour raconter son histoire à visage découvert.

Dans la bande-annonce, la petite Charlotte révèle, en regardant directement la caméra, avoir été agressée à trois ans et demi.

Charlotte ne voulait pas qu’on utilise un extrait où son visage [aurait été] brouillé, raconte la productrice. Ses parents et elle se sont adressés à la cour et ont été vus par des psychologues pour s’assurer qu’elle savait ce qu’elle faisait, ajoute-t-elle. « Et la jurisprudence a été créée pendant ce film où la petite a obtenu le droit de témoigner à visage découvert. Une enfant de 9 ans qui a réussi cela ! »

La petite Charlotte, avec son courage et sa détermination, elle m’a enseigné le courage. Je suis une victime d’agression sexuelle. […] Et j’ai toujours caché ça. En l’écoutant, elle et les autres victimes, je me dis : il ne faut pas avoir peur d’en parler.

Denise Robert, productrice du documentaire La parfaite victime

« Important qu’on en parle »

En marge de la présentation du film Sam aux médias, La Presse a voulu savoir comment Denise Robert entrevoyait les réactions générées par le documentaire La parfaite victime.

« C’est un film qui remet en question un système, a-t-elle relevé. Tout le monde s’entend dans le film pour dire que ce n’est pas le système parfait. Comme une des juristes le dit, c’est le système de droit qu’on a choisi. Est-ce que c’est ça qu’on veut encore ? Pour moi, le film, qu’on en parle en bien ou en mal, ce qui est important, c’est qu’on en parle. Que ça suscite une discussion, une réflexion. Ce qui serait formidable est que la réflexion soit poussée. »

Mme Robert souhaiterait un meilleur accompagnement des victimes du début à la fin du processus judiciaire, afin qu’elles soient bien entendues.

Bien des gens connaissent Denise Robert comme la productrice des films de son conjoint, Denys Arcand. Mais on constate qu’au fil de sa carrière, elle s’est souvent intéressée aux questions de société. La productrice, dont le père faisait de la pédiatrie sociale, a ainsi produit des documentaires de Paul Arcand (Les voleurs d’enfance, Québec sur ordonnance, Dérapages) et le documentaire Double peine, de Léa Pool, sur les droits des enfants dont les mères sont incarcérées. Même les deux longs métrages de Yan England, 1 : 54 et Sam, abordent des questions sociales importantes.