Les huit fonctionnaires affectés au nouveau guichet unique pour les enfants adoptifs qui souhaitent connaître leurs racines ont été inondés de dizaines de milliers d'appels en quatre mois.

La semaine de son ouverture, 14 000 appels ont saturé les lignes de l'équipe, a révélé à La Presse le ministère de la Santé et des Services sociaux. En tout, 21 500 appels ont été reçus.

Cet engouement est toutefois une piètre consolation pour les Québécois qui attendent depuis longtemps la réponse tant espérée et qui commencent à s'impatienter devant des délais importants.

«Je me sens maltraitée, humiliée. Je suis exaspérée», a confié Diane Poitras à La Presse. «Je ne sais plus quoi faire.» La femme de 69 ans de Lévis a envoyé sa demande le jour même de l'ouverture du bureau, le 18 juin dernier. Elle recherche sa mère biologique, une réfugiée polonaise de l'après-guerre, morte dans les années 90.

«On se pose des questions»

Quelques années avant de mourir, la vieille dame avait refusé que les services sociaux révèlent son identité à sa fille biologique. La loi 113, votée en 2017 et entrée en vigueur en juin dernier, empêche toutefois maintenant les adultes qui ont donné un enfant en adoption d'emporter leur secret dans la tombe.

Le moment de vérité arrivait pour Mme Poitras. Un moment de vérité qui tarde.

«Je touchais à la ligne d'arrivée, et là, on me dit de reculer», a-t-elle déploré. «Si tu attends un mois, deux mois, ça peut aller. Mais plus le temps avance, plus on se pose des questions.»

«Je n'ai pas volé le droit d'obtenir une réponse dans des délais raisonnables.»

Le mois dernier, trois mois après l'ouverture du bureau, le ministère de la Santé estimait à deux mois et demi le délai moyen «entre la réception de la demande et le début du traitement» au sein de son guichet unique.

Vaste campagne de publicité

Les milliers d'appels viennent de Québécois qui ont été adoptés, comme Mme Poitras, mais aussi d'adultes qui ont donné un enfant en adoption et qui veulent demeurer anonymes jusqu'à leur mort. En l'absence d'une telle démarche, leur identité sera révélée à leur enfant biologique dans un deuxième temps, en juin prochain.

En tout, « plus de 19 000 demandes » ont été déposées, indique le ministère de la Santé.

Le gouvernement a d'ailleurs lancé une vaste campagne de publicité à la télé et à la radio pour informer la population de cette possibilité. Cette campagne entraîne un surcroît de travail pour une équipe déjà saturée.

«Les délais ne sont pas dus à une non-collaboration ou à un manque d'effectifs dans les régions, mais bien au volume élevé de demandes dans un court laps de temps», affirme Marie-Claude Lacasse, responsable des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Le Ministère «est conscient des implications qu'engendre le traitement des demandes, et tient à assurer qu'il a à coeur que chaque personne qui fait une demande reçoive les informations qu'elle est en droit de recevoir dans les meilleurs délais possible», a ajouté Mme Lacasse. Mais les demandes exigent «un travail de recherche significatif et une collaboration de différents acteurs du réseau».

«Ce n'est pas suffisant»

Ces efforts ne sont toutefois pas suffisants au goût du Mouvement Retrouvailles, le regroupement qui avait milité pour l'adoption du projet de loi 113 modifiant le Code civil. Le mois dernier, sa présidente a fait parvenir une longue lettre de doléances au ministère de la Santé afin de se plaindre notamment des délais de traitement des demandes.

«C'est certain que huit personnes pour répondre au flot de demandes qu'ils ont eues, ce n'est pas suffisant», a déploré Caroline Fortin, du Mouvement Retrouvailles. «C'est sûr que ces gens-là doivent se coucher brûlés à la fin de la journée, parce qu'il y a beaucoup de demandes.»

Mme Fortin dit ne pas douter de la bonne foi de tout un chacun dans ce système, mais elle aimerait que les huit fonctionnaires puissent recevoir des renforts et des indications plus claires quant à leurs tâches.

«Des gens [...] ont droit à cette information-là, ça fait des années qu'ils attendent, la loi est ouverte, et là, ça va mal.»

Son organisme dénonce aussi ce qu'elle perçoit comme un manque d'équilibre dans la campagne de publicité des autorités : le gouvernement inciterait les parents biologiques à rester anonymes dans «une campagne de peur», a dénoncé Mme Fortin.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux affirme que «les nouvelles demandes tendant à diminuer, il est prévu que le délai d'attente avant l'obtention de la réponse diminuera au courant des prochains mois».