Alors que les agents de la Société québécoise du cannabis (SQDC) devront parler de l'effet de leurs produits au conditionnel et avec mille et une précautions, le militant prolégalisation Marc-Boris St-Maurice lance aujourd'hui une plateforme pour permettre aux consommateurs de pot de commenter et de noter la marchandise qui sera sur les rayons de la société d'État.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux tentait d'évaluer, hier, si ce site, appelé «Espace Cannabis» - un clin d'oeil à la marque de commerce «Espace cocktail» de la SAQ -, sera légal ou pas au jour 1 de la légalisation. 

S'inspirant de sites comme Yelp ou TripAdvisor, Espace Cannabis permettra aux consommateurs de noter uniquement les produits vendus au Québec par la SQDC ainsi que ceux vendus dans les magasins autorisés en Ontario. «Ce site vise à pallier l'absence d'information que le modèle actuel de la légalisation provoque», affirme M. St-Maurice, militant bien connu pour la légalisation du cannabis et fondateur du Centre compassion de Montréal. «On veut créer une communauté, pour aider les consommateurs à faire de meilleurs choix.» 

Les visiteurs pourront notamment commenter l'odeur, la couleur, la qualité de la combustion et parler des effets que produiraient certaines souches vendues en magasin.

«Dans le modèle actuel, les producteurs autorisés de cannabis et la SQDC sont limités dans ce qu'ils peuvent dire à leurs clients. Je veux éduquer, c'est mon expérience de 25 ans que je veux mettre à profit. Je pense que j'ai la crédibilité pour le faire», affirme M. St-Maurice. 

Des sites semblables de critiques de cannabis existent depuis plusieurs années sur le web. L'un d'eux, Leafly.com, va jusqu'à dire que certaines souches particulières sont «idéales pour lire un livre», qu'elles «font rire», ou encore qu'elles «favorisent la discussion».

Le conditionnel dans les SQDC

Mais dans les succursales de la SQDC, les agents qui suivent actuellement une formation obligatoire de 20 heures sanctionnée par le ministère de la Santé et des Services sociaux n'auront pas le droit d'aller aussi loin en s'adressant à la clientèle. «Les employés pourront parler des arômes et du taux de THC, par exemple, mais on n'ira pas dans le spiritualisme et on ne [prêtera pas de vertus] thérapeutiques ou psychologiques aux produits», explique le porte-parole Mathieu Gaudreault. Des affiches en magasin indiquent par exemple que certaines souches sont «généralement reconnues pour leur effet calmant et relaxant», alors que d'autres sont «généralement reconnues pour leur effet stimulant et euphorisant».  

«On en parle au conditionnel, et on ne va pas dire qu'avec telle ou telle souche, vous allez dormir comme un bébé et vous réveiller frais et dispos le matin», illustre M. Gaudreault. Dans tous les cas, la description des effets des produits devra respecter la mission de santé publique que Québec a imposée à sa société d'État, ajoute-t-il. 

Un site légal ou illégal? 

La Loi sur le cannabis adoptée cet été par Québec, qui interdit toute forme de promotion de la marijuana, empêche même l'utilisation de l'iconique feuille de cannabis pour mettre en marché un produit. Invité à commenter le site web que s'apprête à lancer M. St-Maurice, le ministère de la Santé et des Services sociaux a laissé entendre dans un courriel qu'il pourrait être illégal. 

«Seule une certaine publicité informative, qui donne des renseignements sur le cannabis destiné aux consommateurs adultes, dont le prix et la disponibilité, sera autorisée à l'intérieur des points de vente ainsi que dans les journaux et magazines écrits expédiés et adressés à une personne majeure», a expliqué la porte-parole Marie-Claude Lacasse.  

«Selon les informations que vous nous donnez, un tel site contreviendrait à la loi», a-t-elle ajouté, précisant cependant ne pas avoir suffisamment d'informations pour se prononcer formellement.  

Une position qui fait sourciller Marc-Boris St-Maurice. «On ne peut quand même pas nous bâillonner. C'est un site éducatif qu'on met en place, pas un site commercial qui fait de la publicité. S'ils veulent nous fermer, on ne se laissera pas faire», promet-il.