Quelques milliers de personnes se sont rassemblées pour marcher dans les rues de Montréal afin de dénoncer le racisme et plus particulièrement ce qu'ils qualifient de « politiques racistes du gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) ».

Le nom du premier ministre élu, François Legault, et celui de son parti étaient de tous les slogans dénonçant le racisme, dimanche après-midi. La foule s'étirait sur environ 400 mètres au moment de défiler vers l'ouest sur le boulevard René-Lévesque.

Une soixantaine d'organismes communautaires, d'associations, de syndicats, d'entreprises, de comités et autres groupes ont appuyé la marche, qui était une reprise de la mobilisation organisée en novembre 2017.

Prévue depuis bien avant l'élection du 1er octobre, la manifestation a légèrement changé de cible à la suite du résultat du scrutin.

Safa Chebbi, militante contre le racisme au sein de l'organisme Alternatives et porte-parole de l'événement, insiste sur l'importance de dénoncer les politiques qu'elle qualifie de « profondément racistes » et qui, selon elle, viennent décomplexer l'extrême droite.

Parmi la foule, Ichrak Nourel-Hak avait une raison bien personnelle de s'adresser au premier ministre élu.

Finissante en enseignement du français langue seconde à l'Université de Montréal, la jeune femme est en colère contre le projet de loi que souhaite déposer le nouveau gouvernement provincial.

« Monsieur Legault me dit que je n'aurai pas le droit d'enseigner parce que je porte un voile. C'est une atteinte à la dignité de la femme, à la femme musulmane et à toutes les religions du monde. C'est vraiment injuste », a-t-elle dénoncé.

Depuis l'élection de la CAQ, lundi dernier, l'étudiante a dû répondre aux questions de plusieurs de ses collègues de classe.

La principale question est la même qu'a posée cette semaine la députée de la CAQ et porte-parole « de la transition vers le gouvernement », Geneviève Guilbault. C'est-à-dire que la future enseignante devra choisir entre son voile et sa carrière.

« J'ai décidé de garder mon voile, affirme-t-elle avec conviction. Parce que, en tant que modèle de la société, quel message on envoie aux enfants ? Que tu dois suivre la société, et délaisser ta culture et ta religion pour être accepté ? » demande l'étudiante, qui remet en question la compréhension de la population sur ce que signifie la laïcité.

« C'est l'État qui est laïc, pas les individus. Même si j'enlevais mon voile, je serais la même personne et j'aurais la même religion », explique-t-elle.

Pour Safa Chebbi, il s'agit carrément d'un problème inventé par la CAQ. « Il n'y a jamais eu de plainte contre une enseignante qui a essayé de convertir un élève ! » ironise la militante.

Changement de ton

Amina Moussa est née au Québec, elle étudie aujourd'hui en nutrition à l'Université de Montréal et elle ne comprend pas pourquoi soudainement un nouveau gouvernement voudrait lui dicter ce qu'elle doit porter ou pas.

« Je trouve dommage que je ne puisse pas exprimer ma liberté et porter ce que je veux. Et, même si la loi ne passe pas, ça laisse de grosses séquelles psychologiques, et ça sème la haine et le racisme », déplore-t-elle en brandissant son affiche où l'on peut lire : « Bas les pattes de mon voile ».

« Personne ne fera en sorte que j'enlève mon voile », tranche la jeune femme.

Mme Moussa dit avoir trouvé triste la précipitation de François Legault à s'attaquer aux signes religieux. « Dès le lendemain, il a commencé à parler de ça et surtout du voile. Il dit qu'il veut que les femmes enlèvent le voile pour ne pas qu'elles soient soumises, mais ce n'est pas ça du tout ! »

Depuis une semaine, elle remarque un changement dans le regard de certaines personnes, sur la rue ou dans le métro.

Un sentiment que partage Ichrak Nourel-Hak, qui constate un changement de ton dans la société québécoise. Un ton qui est très loin de celui qui a accueilli ses parents, en 1994.

« Ce qui a attiré mes parents, c'est la tolérance, l'ouverture », raconte-t-elle.

Sa mère lui a confié que, à son arrivée à Montréal au milieu des années 90, elle a reçu un accueil chaleureux. Les chauffeurs d'autobus, les enseignants et même des inconnus sur la rue lui adressaient la parole et lui souriaient. « Aujourd'hui, les gens nous regardent avec méfiance », se désole la future enseignante.