La cohue appréhendée par les familles prêtes à parrainer de nouveaux réfugiés au Québec s'est concrétisée au petit matin, lundi, devant les bureaux du ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion du Québec. L'arrivée de messagers venus porter les dossiers de candidature a provoqué beaucoup de tension, ont expliqué des personnes qui ont fait la file d'attente pendant des heures pour être les premières à déposer leur demande.

«Il y a des messagers qui ont volé des places. D'autres personnes qui ont fait des deals en argent avec ces messagers pour qu'ils prennent leur dossier et les fassent passer devant la file. C'était vraiment le chaos», a dénoncé une femme venue porter une demande de parrainage pour une famille rwandaise coincée dans un camp de réfugiés africain depuis des années. 

«Il y avait beaucoup d'émotions. Ce sont de vraies familles qui souffrent qui sont au coeur de tout ça, et les gens prennent ça très à coeur», a ajouté Fatimeh Nk, une femme d'origine iranienne venue porter une demande pour parrainer la famille de son frère.

Une file pendant la nuit

Après presque deux ans de gel du programme de parrainage de réfugiés - qui avait atteint ses cibles seulement quelques semaines après l'arrivée des premières vagues de réfugiés syriens en 2016 et en 2017 -, le Ministère a accepté d'étudier 650 nouveaux dossiers hier. Le programme permet à des Québécois et à des organismes de faciliter l'arrivée de ces réfugiés en se portant garants d'eux pour les premiers mois de leur intégration.

Près d'une quarantaine de personnes ont fait la file d'attente pendant la nuit de dimanche à hier, devant les bureaux du Ministère dans le Vieux-Montréal, pour être sûres d'être parmi les premières à déposer leur demande. Mais selon les règles établies par le Ministère, seuls des messagers étaient autorisés à déposer les demandes, à l'ouverture des bureaux hier matin. Or, un des premiers messagers arrivés sur place, embauché par un consultant en immigration, a déposé d'un coup près d'une centaine de dossiers, ont indiqué deux personnes qui ont fait la file.

«Je suis extrêmement déçu. J'étais le 11e en file, mais en arrivant au bureau, on m'a dit que j'étais rendu le 53e. Il y a des gens qui ont payé les messagers sur place pour passer devant tout le monde», affirme Bilal Hamideh, de l'organisme Réfugiés du Grand Montréal.

M. Hamideh était arrivé à 1h du matin pour être sûr que les 10 dossiers de réfugiés syriens sélectionnés par l'organisme Réfugiés du Grand Montréal soient acceptés. «À cause du nombre limité de dossiers que le gouvernement est prêt à étudier, nous avons choisi les cas les plus criants parmi 600 dossiers. Ce sont des gens qui vivent dans des camps de réfugiés au Liban et en Jordanie sans droits humains, qui n'ont même pas le droit d'aller à l'hôpital. Les enfants n'ont jamais fréquenté l'école à cause de la guerre», dit-il.

«C'est désolant de devoir faire des choix comme ceux-là», a ajouté M. Hamideh, qui avait lui-même embauché une entreprise de messagers à partir de 3h du matin, à 150 $ l'heure, pour augmenter ses chances.

Un système «très imparfait»

L'avocat en immigration David Berger, ex-député fédéral de Saint-Henri-Westmount et ancien ambassadeur du Canada en Israël, a aussi jugé le mécanisme «très imparfait». «Il doit bien y avoir un meilleur système, mais je ne l'ai malheureusement pas inventé», a-t-il dit, en compagnie de clients qui venaient de déposer leur demande.

Selon la porte-parole du ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Chantal Bouchard, des consultations ont eu lieu avec les groupes d'aide aux réfugiés et ce sont eux qui ont choisi de fonctionner avec des messagers. «Ce qui s'est passé devant le bureau pendant la nuit, on ne peut pas s'en mêler», a-t-elle affirmé.