Les policiers font moins de contrôles routiers les jours de canicule, selon une nouvelle étude américaine. Les inspecteurs de la salubrité des aliments aussi. De mauvaises nouvelles en cette ère de réchauffement planétaire.

CONTRAVENTIONS ET ACCIDENTS

Passé 20 degrés Celsius, lorsque tous les autres facteurs sont constants, le nombre d'accidents mortels augmente en flèche. Mais le nombre de contraventions données par les policiers ne suit pas, et diminue même à partir de 30 degrés Celsius. « C'est humain, quand il fait très chaud, les policiers deviennent éventuellement moins productifs, explique Nick Obradovich, du Massachusetts Institute of Technology, qui est l'auteur principal de l'étude publiée au début du mois d'août dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Or, le nombre d'accidents, particulièrement d'accidents mortels, augmente rapidement avec la température. Nous pensons que c'est une combinaison de fatigue et de diminution des capacités cognitives. Même quand on met la climatisation dans la voiture, on n'efface pas immédiatement les problèmes liés à la chaleur, "l'effet tunnel" dans la vision et l'attention, l'agressivité. »

ÉPICERIES ET RESTAURANTS

Les grandes chaleurs ont un impact encore plus grand sur les problèmes de salubrité des aliments. « L'augmentation est très rapide à partir de seulement 10 degrés Celsius, dit M. Obradovich en entrevue téléphonique. Et comme les inspecteurs marchent davantage que les policiers de la circulation dans le cadre de leur travail, passé 30 degrés Celsius, le nombre d'inspections diminue rapidement. » Comment M. Obradovich a-t-il eu l'idée de cette étude ? « Je travaillais sur les élections en Afrique subsaharienne, et je voyais bien que la chaleur avait un impact négatif sur la productivité. Je me suis demandé quel était l'effet sur la surveillance des normes sociales par les représentants de l'État. »

PAR TEMPS GLACIAL AUSSI

Le froid a un effet encore plus néfaste sur le travail des policiers et des inspecteurs de salubrité, mais il décourage aussi la conduite agressive, selon les calculs de M. Obradovich. Et la pluie ? « Il y a un effet intermédiaire entre les grands froids et les canicules sur le travail des policiers, mais la quantité d'accidents mortels a aussi tendance à diminuer. Et évidemment, la pluie n'a pas d'impact sur les problèmes de salubrité des restaurants et épiceries. »

RÉCHAUFFEMENT DE LA PLANÈTE

Les administrations publiques doivent tenir compte de cet effet, particulièrement dans les régions où il fait déjà très chaud l'été. « Dans les régions où il y a de la neige en hiver, la moins grande fréquence des grands froids va compenser l'augmentation des canicules l'été, en ce qui concerne le bilan routier, dit M. Obradovich. Pour ce qui est des inspections de restaurants et d'épiceries, par contre, l'effet net sera négatif partout. Il faut planifier en conséquence, peut-être prévoir des uniformes moins foncés qui attirent moins la chaleur, des patrouilles moins longues, donc des rotations plus fréquentes des policiers et des inspecteurs entre le bureau et la patrouille. »

LES GUERRES DU CLIMAT

Depuis neuf ans, deux groupes de chercheurs croisent le fer sur une question qui fait la manchette : les changements climatiques vont-ils augmenter le risque de guerre ? Le héraut de cette thèse est Andrew Burke, de l'Université de Berkeley, qui a publié plusieurs analyses statistiques sur le sujet. Dans le coin opposé, Halvard Buhaug, de l'Institut de recherche sur la paix d'Oslo (PRIO), qui réfute chacune des études du camp opposé. Où se situe Nick Obradovich ? « Je dirais que c'est encore un débat, mais j'ai tendance à être plus convaincu par les analyses statistiques montrant qu'il va y avoir plus de conflits dans un monde plus chaud. »