Matelas inconfortable, chaleur étouffante, murs souillés de sang et poubelles pleines : un Montréalais serait récemment devenu le premier Québécois à gagner un dédommagement pour avoir été hébergé de façon indigne dans un hôpital québécois.

La décision pourrait inspirer d'autres patients à transformer leur histoire d'horreur hospitalière en procès au civil.

Luc Belleau, un homme arthritique, a passé sept jours aux urgences de l'Hôpital Notre-Dame, au centre-ville de Montréal, en août 2013, pour une crise de zona.

M. Belleau n'a pas été victime d'erreur médicale, mais son séjour l'a dégoûté au point où il a entamé une poursuite contre l'établissement. Et il a convaincu un juge que l'hôpital avait commis une faute.

Le patient a dormi assis sur une chaise parce que « le matelas mince installé sur la civière [fournie] est très inconfortable et aggrave son état arthritique », a retenu le juge Daniel Dortélus. Deux jours après son hospitalisation, des débarbouillettes souillées du patient précédent traînaient toujours dans la salle de bains, et il n'avait toujours pas reçu de jaquette.

« Même des animaux, on ne les traite pas comme ça. [...] Dans la chambre d'isolement - je ne vous mens pas -, il faisait aussi chaud qu'aujourd'hui dehors. »

- Luc Belleau, en entrevue téléphonique avec La Presse hier

Face aux plaintes de M. Belleau, une employée lui aurait répondu : « Vous savez, vous n'êtes pas dans un hôtel », selon la version des faits exposée par le patient et retenue par le juge Dortélus.

« Je lui ai répondu que je savais que je n'étais pas dans un hôtel, mais qu'on devrait traiter les patients comme du monde, pas comme des animaux », a-t-il rapporté hier.

« NOUS SOMMES DÉSOLÉS »

Le Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM), qui gérait l'Hôpital Notre-Dame en août 2013, ne s'est pas présenté devant la division des petites créances de la Cour du Québec pour le procès.

La commissaire aux plaintes de l'établissement avait toutefois rendu un rapport, dès 2013, qui confirmait « que les conditions de [son] séjour aux urgences n'ont pas été optimales ». « Nous vous adressons les excuses des gestionnaires des urgences de Notre-Dame », ajoutait le rapport, cité par le juge Daniel Dortélus.

Luc Belleau poursuivait l'établissement pour 3000 $.

« Nous sommes désolés que le patient ait vécu une situation désagréable à l'hôpital Notre-Dame en 2013 », a indiqué par courriel Jacinthe Ouellette, porte-parole du CHUM. « Le CHUM a pris acte de la décision de la Cour et a traité la demande de paiement. Le patient devrait recevoir le montant sous peu. »

La décision de justice était notamment basée sur un article général de la Loi sur la santé et les services sociaux qui prévoit qu'un patient « doit, dans toute intervention, être traité avec courtoisie, équité et compréhension, dans le respect de sa dignité, de son autonomie, de ses besoins et de sa sécurité ».

M. Belleau « a réussi à démontrer par une preuve suffisante un manquement aux obligations prévues » dans cette loi, « ce qui engage la responsabilité de l'hôpital pour les préjudices qu'il a subis ». Le juge les a évalués à 1500 $.

UNE « PREMIÈRE »

Selon Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialiste du droit de la santé dont un ouvrage a été cité par le juge Dortélus, il pourrait s'agir d'une première condamnation d'un hôpital sur la base de cet article de loi.

« À ma connaissance, c'est la première », a-t-il écrit à La Presse dans un courriel.

« Cette décision démontre que les tribunaux sont plus sensibles qu'avant aux droits des usagers, et dans ce cas-ci particulièrement, au droit à la dignité. »

- Me Jean-Pierre Ménard

Selon lui, cette décision pourrait inspirer d'autres patients dont le séjour à l'hôpital a viré au cauchemar.

« Bien qu'il s'agisse d'une décision des petites créances, l'interprétation que le juge fait de la loi est juste et la portée de ce jugement pourrait être plus considérable, a indiqué Me Ménard. En effet, ce que le juge conclut sur le droit aux services peut être applicable à l'ensemble des services dispensés par le réseau. »