Plus de vert, moins de béton. Afin de combattre les îlots de chaleur, dont les effets malsains sur la santé sont scientifiquement prouvés, l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) souhaite que le gouvernement consacre 1 % de son budget en construction et en rénovation d'infrastructures publiques au verdissement urbain.

L'idée, élaborée en partie par le médecin Pierre Gosselin, affilié au programme climat et santé de l'INSPQ, vise « la construction ou l'aménagement de tout bâtiment, site ou infrastructure gouvernementaux ou publics ». Elle a été présentée l'hiver dernier à la ministre de l'Environnement, Isabelle Melançon, qui leur aurait répondu qu'elle souhaitait tenir une rencontre interministérielle à ce sujet.

Selon le Dr Gosselin et ses collègues, l'adoption d'une telle politique coûterait annuellement 170 millions de dollars à Québec. L'argent pour financer cette mesure pourrait être tiré du Fonds vert, suggèrent-ils.

Selon leur plan, les projets de verdissement financés seraient régis par des critères d'admissibilité en trois catégories : aménagement, restauration ou protection. Québec et les municipalités pourraient par exemple transformer des stationnements de surface en parcs, aménager des jeux d'eau pour enfants dans les quartiers où l'asphalte se fait omniprésent, ou bien planter des arbres en bordure des pistes cyclables ou sur le bord des autoroutes.

« Notre préoccupation principale, c'est de diminuer l'impact de ces îlots de chaleur et de la pollution atmosphérique sur la santé. Les canicules, ça tue du monde et ça va continuer de le faire », évoque le scientifique au moment même où Météo Média prévoit ces prochains jours une canicule « extrême » sur le sud du Québec.

« La présence d'espaces verts à proximité de notre résidence réduit certaines maladies de façon significative. On note moins d'accidents vasculaires cérébraux (AVC), moins de problèmes respiratoires et moins de problèmes de santé mentale. »

« En résumé, on peut dire que les gens se sentent de cinq à sept ans plus jeunes quand ils ont un parc à proximité où ils peuvent faire de l'exercice. C'est donc aussi une façon de contrer la crise démographique que nous vivons », poursuit-il.

UNE COALITION D'APPUIS

Depuis quelques mois, le Dr Gosselin - qui est également coordonnateur du programme santé chez Ouranos, le Consortium sur la climatologie régionale et l'adaptation aux changements climatiques - a obtenu de pair avec ses collègues l'appui de près de 30 organisations variées (universités, centres de recherche, syndicats, hôpitaux, organismes et municipalités).

Leur projet de politique, peut-on lire dans un document détaillé obtenu par La Presse, « serait applicable aux ministères et aux organismes du gouvernement, ainsi qu'aux organismes ou personnes qui reçoivent une subvention de ces derniers ».

« L'argent dédié au verdissement serait appliqué au verdissement du site de construction ou d'aménagement s'il est situé en territoire urbanisé. »

- Extrait du projet de politique sur le verdissement urbain

« Si [...] les besoins en verdissement du site sont moindres que le montant alloué, ou si le verdissement d'un autre site urbain public bénéficiait plus à la population, le montant alloué pourrait être affecté à un site compensatoire », poursuit-on.

Selon le Dr Pierre Gosselin, cette façon de faire est déjà appliquée par Québec pour d'autres matières. Depuis 1961, le gouvernement alloue en effet environ 1 % de son budget « en construction d'un bâtiment ou d'aménagement d'un site public à la réalisation d'oeuvres d'art », explique-t-on sur le site du ministère de la Culture.

UNE « SITUATION EXPLOSIVE »

En cet été préélectoral, le Dr Pierre Gosselin ne souhaite pas que l'idée soit soumise à une joute partisane. Or, « à ce stade-ci, on souhaite que ça intéresse tous les partis politiques [afin de] prévenir les conséquences néfastes qui s'en viennent à la vitesse grand V », explique-t-il.

Les changements climatiques bouleverseront le climat du Québec, rappelle le scientifique, alors qu'une ville comme Montréal pourrait voir le nombre de jours de canicule tripler au cours des 30 prochaines années. Une étude d'Ouranos, consortium où travaille notamment le Dr Gosselin, prévoit aussi que « les dépenses en santé associées au contexte de changements climatiques augmenteront annuellement d'environ 800 millions d'ici 2065 » au Québec.

« Cette augmentation sera causée par la multiplication des canicules, la propagation du virus du Nil et de la maladie de Lyme. »

- Extrait d'une étude du groupe Ouranos consultée par La Presse

Alors que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît qu'« un aménagement urbain minéralisé favorise la pollution atmosphérique, crée des îlots de chaleur, incite à la sédentarité et augmente le stress », il est « fort probable » que le manque d'espaces verts dans les villes engendre des dépenses de plusieurs milliards par an en frais de santé de toutes sortes.

« Les effets positifs sur les coûts évitables en santé dépasseront largement » les 170 millions requis pour appliquer cette politique de verdissement, estime donc l'INSPQ.

QU'EST-CE QUE LE FONDS VERT ?

Le Fonds vert a été créé en 2006 afin de « favoriser le développement durable du Québec par la protection de l'environnement, la préservation de la biodiversité et la lutte contre les changements climatiques ». Ce fonds tire ses revenus du marché du carbone, de redevances pour l'élimination de matières résiduelles et de la redevance pour l'utilisation de l'eau.