Les grutiers doivent retourner au travail. Le Tribunal administratif du travail a accueilli la demande d'ordonnance provisoire qui a été déposée par la Commission de la construction du Québec (CCQ) pour faire cesser la grève illégale.

Le tribunal ordonne aux grutiers de cesser immédiatement toute grève ou ralentissement de travail. Il retourne le dossier au greffe pour que les parties soient convoquées pour une audience sur le fond.

Selon la décision rendue jeudi soir, l'urgence d'agir est justifiée, car «il apparaît évident que les chantiers de construction subissent des impacts importants en lien avec cet arrêt de travail».

On ignore si les grutiers seront de retour sur les chantiers dès vendredi matin.

Le tribunal ordonne aux associations de communiquer la décision à «leurs membres salariés du métier de grutier par courriel ou tout autre moyen raisonnable, dans les douze heures de la présente ordonnance».

En milieu de soirée, jeudi, la FTQ-Construction a relayé la nouvelle par un communiqué de presse dans lequel elle «rappelle aux salariés grutiers leur obligation d'offrir immédiatement leur prestation normale et habituelle de travail».

Par communiqué, jeudi soir, la CCQ a dit souhaiter que le mot d'ordre du tribunal soit entendu rapidement et que «la grève illégale cesse sans délai afin que les chantiers du Québec puissent retrouver leur niveau d'activité normal».

La CCQ entend maintenir «sa présence active sur les chantiers afin de recueillir la preuve et exercer les recours pénaux appropriés», a-t-on précisé.

La CCQ a rappelé que les personnes choisissant de défier l'ordonnance seraient passibles d'outrage au tribunal, et s'exposeraient à des amendes de 10 000 $, ou 100 000 $ pour une personne morale, «et même une peine d'emprisonnement».

Aucun entrepreneur n'est venu témoigner

Le Tribunal administratif du travail avait entendu durant la journée les parties intéressées à la demande d'ordonnance provisoire.

Les grutiers ont commencé une grève lundi dernier, dans l'ensemble des chantiers du Québec. Et la grève est illégale, puisque la convention collective qui lie les associations patronales et les organisations syndicales est en vigueur jusqu'en 2021. Au chantier du nouveau pont Champlain, qui relie Montréal à la Rive-Sud, les moyens de pression avaient même débuté jeudi dernier.

L'avocate de la Commission de la construction du Québec, Me Johanne Lebel, a cherché à convaincre le juge administratif Alain Turcotte qu'elle avait l'intérêt requis pour déposer cette demande d'ordonnance provisoire.

Mais les avocats représentant la FTQ-Construction, Me Claude Tardif, et le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (International), Me André Dumais, avaient plutôt plaidé que la CCQ ne subissait aucun préjudice à cause de cette grève, puisqu'elle n'emploie aucun grutier.

«Le préjudice sérieux, il est où pour la partie requérante?», a demandé Me Dumais.

Ce sont les entrepreneurs qui seraient potentiellement affectés par ces moyens de pression; or aucun n'est venu témoigner devant le tribunal du fait qu'il était incommodé. D'ailleurs, certains entrepreneurs appuient même la cause des grutiers, ont-ils fait valoir.

Mais Me Lebel a répliqué que la CCQ était responsable de l'application de la loi R-20, cette loi qui encadre les relations de travail dans l'industrie de la construction, justement. Elle est donc partie intéressée, a-t-elle martelé. «La Commission est le chien de garde de l'industrie de la construction», a-t-elle illustré.

Les avocats syndicaux ont aussi tenté de démontrer que la demande d'ordonnance provisoire de la CCQ était trop large, qu'elle visait par exemple la FTQ-Construction et le Conseil provincial, alors que les deux grandes organisations syndicales ont publié des communiqués dans lesquels elles se sont dites opposées à la grève illégale.

«On a fait ce qu'on pouvait», s'est exclamé Me Dumais, du Conseil provincial.

Les grutiers étaient encore absents des chantiers, jeudi, dans la journée, et ils ont même manifesté devant les bureaux de la CCQ à Montréal, en après-midi.

L'ordonnance provisoire requise par la Commission de la construction visait à faire cesser la grève illégale et le refus concerté de faire des heures supplémentaires.

Elle vise nommément la FTQ-Construction et sa section locale 791-G (Union des opérateurs grutiers) et le Conseil provincial (International) et sa section locale 905 (grutiers) parce qu'ensemble, ces deux plus grandes organisations syndicales de la construction représentent près de 85 pour cent des grutiers, soit 1573 des 1856 grutiers du Québec.

Le litige prend sa source dans les changements qui ont été apportés à la formation des grutiers, le 14 mai dernier. Les grutiers, mécontents, allèguent que les changements apportés nuiront à leur propre sécurité et à celle du public.