Les Inuits du Québec ne font pas seulement face à une pénurie criante de logements : des milliers d'entre eux vivent dans des maisons mal isolées et en mauvais état, admet l'office d'habitation local dans une série de poursuites récemment lancées.

L'organisation blâme des entrepreneurs en construction, des architectes et des fournisseurs pour des « travaux bâclés » dans les dernières années. Elle leur réclame une somme totale de plus de 100 millions.

« Plus de 500 bâtiments » seraient touchés sur les quelque 3000 logements sociaux du Nunavik. Dans cette région, la quasi-totalité des habitants occupe ce type de résidence.

Des Inuits se sont plaints que leurs maisons étaient plus froides et plus humides après des rénovations qui devaient pourtant les améliorer, ce qui a contribué à faire réaliser aux gestionnaires que les travaux étaient problématiques. Des inspections ont confirmé leurs doutes, du moins selon les poursuivants.

L'Office municipal d'habitation Kativik (OMHK) avait confié la gestion d'importants travaux de réfection à la firme Génivar (devenue WSP) dans les dernières années. C'est cette entreprise qui est au centre des poursuites impliquant des travaux d'« extrême mauvaise qualité complétés par tous les entrepreneurs en l'instance », selon l'OMHK.

« Pratiquement l'entièreté des travaux exécutés » en 2013 et en 2014 « ont été à ce point bâclés qu'ils doivent, pour ainsi dire, être refaits en entier », écrit l'organisation dans ses poursuites, précisant que pour cette dernière année, il s'agit des travaux d'installation de fenêtres qui sont visés.

Parmi les problèmes déplorés, en plus des fenêtres mal installées : des membranes décollées, des joints ajourés, des pare-vapeur troués.

Résultat, selon les experts de l'OMHK : des courants d'air, des éléments « noirs » ou « verdâtres » à cause de l'humidité et des infiltrations d'eau.

En plus de WSP, « on considère que les architectes ont mal surveillé, on considère qu'il y a des erreurs de conception de la part des architectes dans certains cas et on considère qu'il y a des malfaçons de la part des entrepreneurs qui ont bâclé le travail, a indiqué Me Jean-Pierre Pelletier, l'avocat de l'OMHK, en entrevue téléphonique. Il y a aussi le fabricant de fenêtres Fabelta qui a fourni des fenêtres qui ne sont pas aux normes et qui fuient. [...] Il y a aussi une membrane, qui s'appelle Air-Guard, qu'on considère comme défectueuse. »

« TOUTE LA MAISON DEVENAIT FROIDE »

Sur les réseaux sociaux, des habitants du Grand Nord québécois se plaignent fréquemment de l'état de leur résidence. La page « OMHK, nos maisons et les problèmes avec lesquels nous vivons » leur sert justement à s'exprimer.

« Le vent froid s'infiltre sur les bords [de la fenêtre]. J'ai dû couvrir les bords parce que la chambre devenait très froide et toute la maison devenait froide », a ainsi écrit une résidente locale l'an dernier. « La maison a été rénovée. » Il n'a pas été possible de déterminer s'il s'agissait d'une maison visée par le recours de l'OMHK.

Quelques mois plus tard, une autre résidante a diffusé une photo de ses fenêtres avec une quantité impressionnante de givre accumulé à l'intérieur. Encore une fois, impossible de savoir s'il s'agit d'une maison touchée par le recours.

La poursuite mentionne que plusieurs aspects des travaux ne prenaient pas en compte les températures extrêmement froides qui règnent au Nunavik pendant la saison hivernale.

Les entreprises poursuivies, parmi lesquelles on compte Laval Fortin Adams, Construction Gely, Construction Nanook et Beltech Construction, ont toutes refusé de commenter le dossier ou omis de répondre à La Presse.