Un dirigeant d'AggregateIQ a passé trois heures, mardi aux Communes, à nier les allégations selon lesquelles son entreprise aurait induit en erreur des députés qui voulaient savoir si le controversé partage de données Facebook avait des ramifications au Canada.

AggregateIQ, établi en Colombie-Britannique, a déjà été accusé par deux personnes d'avoir menti à un comité des Communes sur ses liens avec Cambridge Analytica. Cette firme britannique est elle-même accusée d'avoir utilisé les renseignements personnels de millions d'utilisateurs de Facebook dans le but d'influencer les électeurs lors du référendum britannique de 2016 sur le «Brexit».

Témoignant mardi devant un comité des Communes, le directeur de l'exploitation d'AggregateIQ, Jeff Silvester, a soutenu que l'entreprise n'avait posé aucun geste illégal en aidant des groupes favorables au Brexit avec des «campagnes de publicité en ligne». Après sa comparution, M. Silvester a qualifié d'«étonnantes» les accusations du lanceur d'alerte canadien Christopher Wylie, ancien directeur de recherche chez Cambridge Analytica.

M. Silvester a assuré mardi qu'il disait la vérité, comme il l'avait fait lors de sa précédente comparution à Ottawa à la fin du mois d'avril.

Cambridge Analytica a eu accès, sans autorisation, aux renseignements personnels de près de 87 millions d'utilisateurs de Facebook, dont 622 161 Canadiens, selon les estimations du réseau social. Le lanceur d'alerte Wylie affirme que l'entreprise a utilisé ces informations pour établir des profils psychologiques afin d'influencer le vote lors du référendum britannique, mais aussi lors de la campagne présidentielle de Donald Trump en 2016 aux États-Unis.

Les allégations de M. Wylie ont donné lieu à des enquêtes des parlements britannique et canadien, ainsi que des commissariats à la protection de la vie privée du Canada et de la Colombie-Britannique.

Des députés déçus

M. Silvester et le chef de la direction d'AggregateIQ, Zack Massingham, avaient témoigné devant le même Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes, à la fin d'avril, mais plusieurs députés étaient restés sur leur faim.

Les deux dirigeants ont donc été convoqués de nouveau, mardi, à la suite de la comparution de M. Wylie et du récent témoignage d'un chercheur en sécurité qui prétendait avoir des preuves contredisant les affirmations d'AggregateIQ selon lesquelles la compagnie n'avait pas récolté de renseignements comme l'avait fait Cambridge Analytica.

M. Silvester a comparu mardi mais M. Massingham s'est désisté, pour des raisons de santé non précisées; des membres du comité ont évoqué la possibilité de l'accuser d'outrage au Parlement.

«Ce que nous essayons de faire ici, c'est de connaître les faits», a expliqué le député néo-démocrate Charlie Angus. «Nous sommes très frustrés parce que nous avons senti la dernière fois que votre collègue, M. Massingham, n'était pas du tout coopératif, et nous avons encore pour lui un certain nombre de questions.»

M. Silvester a répété à plusieurs reprises, mardi, qu'AggregateIQ ne recueillait pas de données, et qu'elle n'avait pas violé la loi électorale britannique. Il a aussi soutenu qu'AggregateIQ n'avait jamais été une filiale canadienne de la société mère de Cambridge Analytica, SCL.

M. Silvester a également indiqué que si c'était à refaire, il n'accepterait probablement pas de travailler avec SCL. «Toutes ces enquêtes, l'attention médiatique, les gens qui campent devant chez nous [...] et les horribles messages qui nous sont envoyés: est-ce qu'on souhaite ça? Est-ce que je souhaiterais ça à mon pire ennemi? Non.»