L'hôtel de ville de Laval est sens dessus dessous. Depuis mardi soir, le maire Marc Demers nage en pleine crise de confiance. Il a tenté de s'en extirper, mercredi, en montrant la porte du comité exécutif au meneur de la fronde, son bras droit David De Cotis, et en boycottant la séance du conseil municipal.

Fragilisé par la dissidence affirmée de neuf élus qui collaborent avec les deux conseillers municipaux des partis de l'opposition, le maire Demers a expliqué, dans une brève déclaration lue d'un ton monocorde et les yeux rivés sur la feuille qu'il tenait entre les mains, que sa décision de ne pas participer au conseil municipal lui « accord[ait] du temps pour dialoguer avec l'ensemble des conseillers municipaux de [son] caucus ». « Je réitère mon ouverture et mon désir de discuter avec les élus pour dégager des pistes de solution qui seraient satisfaisantes pour tous. »

Du temps, Marc Demers en a pourtant eu pour écouter ses troupes, disaient certains élus dissidents en coulisses. Le mécontentement vient de se manifester au grand jour, mais il est bien antérieur aux élections de novembre dernier, ont-ils ajouté.

La semaine dernière, la contestation du leadership de M. Demers s'est exprimée lors de l'assemblée générale du Mouvement lavallois. Le maire et chef du parti a obtenu un vote de confiance de seulement 57 %. Malgré cela, aucun geste de rapprochement n'a été fait.

Jusqu'à mercredi soir, aucun élu dissident n'avait reçu d'appel de M. Demers ou de son entourage ni d'offre pour occuper le poste libéré au sein de l'exécutif, ont ironisé certains d'entre eux. Mais pour tous, il ne fait aucun doute que l'absence de M. Demers au conseil municipal équivaut à « un geste antidémocratique ».

DE COTIS EXCLU

En tout début de journée, le maire Demers avait démis M. De Cotis de ses fonctions de vice-président du comité exécutif pour « bris de confiance ». Le geste était d'autant plus important que MM. Demers et De Cotis étaient apparus soudés, lors du premier mandat à l'hôtel de ville. M. De Cotis avait alors hérité de plusieurs dossiers importants, dont la présidence de la Société de transport de Laval (STL). En novembre dernier, Marc Demers a maintenu M. De Cotis au comité exécutif, mais dans un rôle réduit.

David De Cotis est celui qui a fondé le Mouvement lavallois et qui a convaincu Marc Demers de se lancer en politique municipale, en 2013. Mercredi soir, il l'a rappelé avec une certaine émotion dans la voix.

Il a clamé que le prix payé pour se tenir debout face à Marc Demers valait toutefois la peine. « Je l'ai fait par conviction et pour la démocratie, pour les valeurs primordiales du Mouvement lavallois que j'ai créé en 2008. [...] À partir d'aujourd'hui, on va travailler pour les Lavallois et juste pour les Lavallois », a-t-il déclaré, entouré des dix autres élus ainsi que des deux chefs des partis de l'opposition (Michel Trottier pour le Parti Laval et Achille Cifelli pour Action Laval).

En vertu de la charte de la Ville de Laval, le maire a le pouvoir de remanier l'exécutif à sa guise. M. De Cotis a toutefois conservé sa responsabilité de maire suppléant, puisque cette nomination relève du conseil municipal.

Dans les prochains jours, M. De Cotis et ses collègues expliqueront les motifs à l'origine des tensions qui les ont conduits à tourner le dos à leur chef.

L'origine du problème serait le « contrôle excessif » du maire Demers et de sa garde rapprochée. Tous ceux et celles qui ne sont pas dans le Saint des Saints sont tenus à l'écart de tous les dossiers, de toutes les décisions, se plaignent plusieurs conseillers municipaux. Des questions de succession à la direction du parti pourraient également expliquer la situation.

SURPRISE POLITIQUE

Mercredi, l'agenda du maire Demers a été complètement chambardé par la crise politique. Il a annulé ses rencontres et sa participation à une conférence de presse en matinée, a confirmé son attachée de presse, Valérie Sauvé.

L'exclusion de David De Cotis constituait ainsi la première étape de la réplique du maire Demers à la crise qui a éclaté dans ses rangs mardi soir, au conseil municipal. Une surprise totale, aux dires de Mme Sauvé. Sous l'impulsion de M. De Cotis, le groupe des 11 a voté pour remanier le comité de vérification, expulsant du coup les fidèles de Marc Demers. Le maire a bien tenté de repousser la proposition, mais il a perdu le vote.

Dans une deuxième étape, ni le maire, ni la présidente du conseil, ni les six autres conseillers fidèles (sans compter deux absents, dont un en mission à l'étranger) ne se sont présentés à l'assemblée, même si, la veille, ils avaient donné leur accord pour sa tenue.

Ainsi à 17 h, le groupe des 11 attendait dans la salle du conseil municipal, reconfigurée de manière à ce que le groupe puisse marquer sa volonté de garder ses distances du maire. M. De Cotis avait en poche d'autres propositions qui risquaient d'ébranler l'ordre du jour établi par M. Demers.

À 17 h 30, l'absence de quorum a été constatée ; les travaux ne pouvaient donc pas reprendre.

Mais depuis déjà quelques minutes, un attaché politique de M. Demers allait et venait dans la salle du conseil, observant ce qui s'y passait. Il a ensuite prévenu les journalistes que le maire souhaitait leur faire une déclaration dans une autre salle. C'est là que M. Demers a expliqué que la résolution de la veille pour remanier le comité de vérification de la Ville avait été « adoptée en non-conformité avec les règlements en vigueur ». Puis il a tourné les talons, refusant de répondre aux questions.

M. Demers a demandé un avis juridique au directeur du contentieux, Me Simon Tremblay. Selon lui, le conseil municipal ne pouvait modifier la composition du comité puisque la proposition doit émaner du maire, selon une résolution adoptée le 15 décembre 2010.

Selon M. De Cotis et ses collègues, cette analyse ne tient pas la route, car le conseil municipal est souverain. La question sera tranchée ce matin, alors que le conseil municipal est convoqué à 8 h.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

David De Cotis