Le gouvernement est demeuré muet sur la récente suggestion d'un juge de la Cour supérieure de permettre la triparentalité, hier, alors que les autorités catholiques ont clairement exprimé leur opposition à une avenue allant contre « la nature des choses ».

Dans un jugement signé fin avril, un magistrat de Joliette qui devait trancher le sort d'un enfant mis au monde « coopérativement » par un couple de lesbiennes et un homme identifié sur l'internet a plaidé pour la reconnaissance de la triparentalité.

« Le meilleur intérêt de l'enfant mineure requerrait que la loi permette la reconnaissance de sa réalité, soit que sur les plans émotionnel et socioéconomique, elle a effectivement toujours eu trois parents », a écrit le juge Gary Morrison. À défaut, il a dû expulser la mère non biologique de l'enfant pour y substituer l'homme.

La solution n'est pas de briser le modèle familial traditionnel, a répliqué Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal.

« Plus on peut rester près de la nature des choses - l'enfant vu comme le fruit de l'amour de deux parents -, plus l'enfant est gagnant », a-t-il affirmé en entrevue téléphonique. « Je suis [favorable à ce qu'on trouve] des chemins de bonheur pour les gens, mais le fait de maintenir deux parents pour un enfant m'apparaît important. »

« Il faut que les lois restent le plus près possible de la nature des choses », a-t-il ajouté.

Du côté du gouvernement, dans une déclaration transmise par écrit, la ministre de la Justice Stéphanie Vallée ne s'est pas prononcée sur la demande du juge Morrison.

« Par respect pour l'indépendance de la magistrature, nous nous abstiendrons de commenter les opinions contenues au jugement », a-t-elle indiqué. La déclaration souligne que le jugement Morrison est toujours susceptible de faire l'objet d'un appel et qu'il « respecte le droit en vigueur au Québec en matière de filiation ».

La ministre souligne aussi qu'un rapport d'expert de 2015 sur une possible réforme du droit de la famille recommandait le maintien de la limite de deux parents qui existait jusque-là.

« ÇA COMPLIQUE LES CHOSES »

Deux expertes - une professeure de psychologie et une professeure de travail social - contactées jeudi par La Presse affirmaient que la triparentalité ne devrait pas avoir d'impacts négatifs sur le développement d'un enfant. C'est l'investissement des parents auprès de leur enfant et la sérénité du milieu familial qui importe, pas le nombre de pères ou de mères, disaient-elles en substance.

Le juge Morrison a aussi souligné que « le meilleur intérêt de l'enfant » aurait été mieux servi par la triparentalité.

Mgr Lépine dit avoir le même objectif, mais en arrive à une conclusion différente. « Quand on s'éloigne de ça [deux parents], ça complique les choses », a-t-il dit.

« Le fait même de la procréation assistée - dans le sens de recourir à un donneur - n'est pas privilégié. On voit vraiment l'enfant comme le fruit de l'amour de deux parents. Quand on ouvre la porte à la procréation assistée, ça ouvre la porte à ce que trois personnes se sentent impliquées, comme dans ce couple-là, et finalement demeurent impliquées émotivement, ce qui est compréhensible, a-t-il dit. Ça ouvre la porte à compliquer les choses par la suite. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Mgr Christian Lépine, archevêque de Montréal