Danielle Doucet a décidé de se rapprocher le plus possible d'un mode de vie zéro déchet. Sa famille comprend trois adultes - sa mère vit avec elle et deux enfants. Après mûre réflexion, Danielle décide que c'est le bon moment de réduire leur empreinte écologique, un petit geste à la fois.

Et parmi ces petits gestes, la consommatrice décide d'apporter ses contenants de verre au supermarché pour éviter le suremballage. Tout allait bien jusqu'à ce que, hier matin, la direction du Provigo où elle achetait sa viande, dans le secteur Hull, lui indique que ce ne serait plus possible de le faire, pour des raisons de salubrité.

«On m'a dit qu'il y avait des protocoles à suivre, que c'était une question de contrôle des bactéries et qu'elle [l'épicerie] n'était pas prête pour ce mouvement», explique Danielle Doucet.

La consommatrice est d'autant plus déçue de la tournure des évènements que les employés du supermarché avaient accueilli son initiative avec joie.

«Je leur avais dit qu'ils étaient gagnants, car ils épargnaient leur matériel d'emballage.»

Il faut dire que son «petit geste» commençait à gagner en popularité. «J'ai inspiré mes amis à changer leur façon de consommer», confie-t-elle. Son initiative a dépassé son cercle d'amis immédiat : sa publication sur Facebook avait été reprise près de 4000 fois hier. «Ça a fait tout le tour du Québec», dit la consommatrice, qui n'en revient pas elle-même.

La situation a pris de telles proportions que, hier, le supermarché de Hull dirigeait les demandes des médias vers la directrice principale des affaires corporatives et communications de Provigo pour le Québec. Nos demandes d'entrevue sont toutefois demeurées sans réponse de la part de Provigo. 

Cette petite histoire soulève cette question : s'il fallait qu'un consommateur soit malade après avoir mangé de la viande qu'il a rapportée à la maison dans son propre contenant, qui est responsable ? Le marchand ou le client? D'où provient la contamination? 

«Ce n'est pas clair», répond Andréanne Laurin, cofondatrice et directrice générale des épiceries zéro déchet Loco. 

«Le MAPAQ [ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec] nous demande d'inspecter les contenants des clients et de refuser les contenants qui ne sont pas salubres. »

Chez Loco, les consommateurs se présentent souvent avec leurs pots, c'est le concept du magasin. L'épicerie propose une station de lavage conforme aux normes si les contenants apportés ne le sont pas. Il est aussi possible d'acheter des contenants réutilisables. Loco ne vend pas de viande, car cela ne correspond pas à la philosophie du commerce qui veut réduire l'empreinte carbone de l'alimentation. Mais dans une épicerie de l'avenir, les grandes chaînes pourraient avoir un stérilisateur pour leurs clients qui souhaitent apporter leurs contenants, explique Andréanne Laurin. «Pour l'instant, les grandes chaînes préfèrent peut-être refuser les contenants», dit-elle. 

Le phénomène est évidemment très nouveau. Chez Metro, il est possible d'apporter des contenants de la maison dans certaines épiceries. «Nous n'avons pas de "politique" à cet effet pour l'instant», précise Geneviève Grégoire, conseillère aux communications chez Metro. 

«On suit de près ce qui se fait en ce sens-là, comment ça évolue. Il faut bien sûr tenir compte des enjeux de salubrité et de sécurité, sur lesquels on ne fait aucun compromis.»

Discours très semblables chez Sobeys (IGA), où les marchands peuvent accepter les contenants de leurs clients adeptes du zéro déchet, à condition qu'ils se soient assurés de leur innocuité au préalable, comme le demande le MAPAQ. «Pour le moment, c'est encore très rare que les gens arrivent avec leurs contenants», précise toutefois Anne-Hélène Lavoie, conseillère principale, communications, Sobeys Québec.

À Gatineau, Danielle Doucet est de retour à la case zéro. Car il n'est pas question pour elle de revenir aux paquets de charcuterie et de viande emballés dans du plastique. Et cette décision tombe bien mal : Gatineau veut réduire les déchets domestiques. Dès le mois de juillet, chaque résidence aura droit à 120 litres de déchets toutes les deux semaines, et le compostage sera obligatoire. Les résidants, qui déposent actuellement quatre sacs verts toutes les deux semaines en moyenne, devront passer à deux. «Juste avec mes petits changements, confie Danielle Doucet, j'ai beaucoup réduit ma quantité de déchets.»