PRÉCISIONNous avons indiqué que l'entreprise Consultants Gauthier Morel inc. avait obtenu des contrats en participant au système frauduleux d'attribution de contrats publics dirigé par l'ancien maire de Laval, M. Gilles Vaillancourt. Or, Consultants Gauthier Morel  n'a jamais fait l'objet de procédures judiciaires permettant de faire une telle affirmation. Il aurait, de plus, fallu indiquer que les allégations comprises dans la demande de la Ville de Laval au sujet de l'entreprise et de son dirigeant, M. Daniel Gauthier, n'avaient pas été testées devant les tribunaux et que ces derniers les contestent vigoureusement. Ainsi, l'existence d'un lien entre l'organisation du tournoi de golf du maire Vaillancourt par M. Gauthier et d'un courriel entre deux fonctionnaires qui démontrerait que M. Gauthier leur remettait les curriculum vitae des techniciens qu'il souhaitait proposer sont des allégations de la Ville de Laval qui n'ont pas été démontrées en cour. Enfin, il aurait fallu écrire que, selon Consultants Gauthier Morel,  le contrat qui lui avait été octroyé par la Ville de Laval a été résilié le 14 décembre 2011 alors que M. Vaillancourt était toujours maire. Nos excuses. 

La ministre de la Justice a autorisé la Ville de Laval à poursuivre une entreprise spécialisée en informatique qui a obtenu des contrats en participant au système frauduleux d'attribution de contrats publics dirigé par l'ancien maire corrompu Gilles Vaillancourt.

La Ville de Laval réclame devant la Cour supérieure 270 000 $ aux Consultants Gauthier Morel inc., soit 20% des sommes versées pour l'exécution des travaux. Elle estime avoir été victime de fraudes qui ont fait exploser le coût des contrats qu'elle a accordés à cette entreprise depuis 10 ans.

L'autorisation ministérielle a été accordée en vertu de la Loi visant principalement la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le cadre de contrats publics («loi 26») parce que Gauthier Morel avait refusé de participer au programme de remboursement volontaire découlant de cette loi.

En 2015, l'Assemblée nationale du Québec adoptait le projet de loi 26 dans la foulée des révélations concernant le contournement des règles de libre marché dans l'industrie de la construction. Jusqu'à présent, ce sont surtout des entrepreneurs en construction et des firmes de génie civil qui ont été ciblées.

«On ne va pas se limiter au domaine de la construction. Le dossier informatique, avec les Consultants Gauthier Morel, en est le meilleur exemple. On est en dehors de tout ce que l'on a entendu jusqu'à maintenant», a indiqué à La Presse le directeur du Service des affaires juridiques de Laval, Me Simon Tremblay.

Requête «exagérée et frivole»

Quelques semaines après la démission dans la tourmente de Gilles Vaillancourt, en novembre 2012, Gauthier Morel a déposé une poursuite contre Laval en lui réclamant près de 1 million de dollars. L'entreprise reproche à la municipalité d'avoir mis fin à un contrat «sans préavis ni motif, de façon abusive, cavalière et arbitraire». La situation lui aurait causé un préjudice d'autant plus sérieux que cette décision mettait en péril la survie même de l'entreprise, dont le seul client était la Ville de Laval, peut-on lire dans la requête.

Avec l'arrivée à la tête du contentieux en 2016 de Me Tremblay, qui avait été procureur à la commission Charbonneau, le dossier Gauthier Morel a été révisé. La Ville a répliqué par une demande reconventionnelle en précisant que le montant réclamé par l'entreprise était «grossièrement exagéré, frivole et abusif» puisqu'il était plus élevé que ce qu'elle aurait gagné si le contrat n'avait pas été résilié.

La réplique de la Ville s'appuie sur une enquête administrative. On y apprend que Gauthier Morel agissait comme une agence de placement : les services de Gauthier Morel «ne consistaient pas, dans les faits, à réaliser un projet particulier, mais plutôt à fournir du personnel informatique» à Laval. Ces employés étaient d'ailleurs installés en permanence dans des locaux municipaux.

Lors d'un contrat à Gauthier Morel concernant la mise en place d'un nouveau système de taxation, Laval a embauché une ressource de l'entreprise qui travaillait déjà pour elle. Le stratagème décrit apparaît tortueux, car cette personne était un ex-fonctionnaire du service des finances de la Ville. Lorsque ce fonctionnaire a pris sa retraite, en 1998, il a immédiatement été embauché de nouveau comme employé surnuméraire pour le système de taxation. Puis il a créé son entreprise qui avait ainsi des mandats de la Ville pour gérer le système de taxation, et ce, jusqu'à ce que son embauche soit faite par l'entremise de Gauthier Morel. C'était toujours le même travail qui était exécuté, par la même personne, mais à un prix plus élevé.

Tournoi de golf du maire

En 2011, la Ville a restructuré son Service des systèmes et technologies et a décidé de faire directement ce qu'elle faisait indirectement, soit embaucher des techniciens en informatique. Du coup, elle a mis fin au contrat avec Gauthier Morel, ce que lui permettait une clause du contrat.

La Ville de Laval soutient d'ailleurs que Gauthier Morel ne pouvait ignorer ses intentions, compte tenu des liens étroits entre le propriétaire de l'entreprise et le maire Vaillancourt.

En effet, l'entreprise Gauthier Morel est dirigée par Daniel Gauthier, qui a présidé le comité organisateur du tournoi de golf annuel du maire Vaillancourt. M. Gauthier a également été administrateur de l'organisme municipal Agriculture Laval (AGRIL) de 1993 à 2012, en plus d'être membre du Comité de retraite de Ville de Laval.

Au moment de la résiliation du contrat, Daniel Gauthier a communiqué avec une fonctionnaire «pour lui demander de renouveler ce contrat une dernière année avant de prendre sa retraite», soulignant, lors d'un deuxième appel, que «cela faisait plus de trente (30) ans qu'il organisait le tournoi de golf du maire».

Main dans la main

Lors d'un interrogatoire hors cour, Daniel Gauthier a reconnu s'être «toujours "entendu" avec les dirigeants de la Ville de l'époque». Par exemple, l'entreprise remettait aux fonctionnaires les curriculum vitae des techniciens qu'elle voulait proposer, afin que les documents d'appels d'offres soient rédigés en conséquence, et les prix soumissionnés correspondaient exactement à ceux préétablis par la Ville.

Un courriel entre deux fonctionnaires démontre clairement que le stratagème était connu et appliqué.

De plus, un fonctionnaire qui a analysé une des soumissions de Gauthier Morel affirme avoir subi de l'intimidation. Une personne, que l'on n'identifie pas, lui aurait dit qu'il devait accorder la note de passage à l'entreprise, «qu'il n'avait pas le choix et qu'il n'était qu'une marionnette dans le cadre de ce processus», «qu'il n'avait pas encore sa permanence et que cela serait bon pour la continuation de sa carrière».

Un autre fonctionnaire dont l'évaluation ne permettait pas à Gauthier Morel de franchir le seuil de 70%, et qui avait été informé que «Gauthier Morel devait recevoir une note supérieure à 70% pour être reçu en entrevue», a mentionné à son supérieur qu'il était en conflit d'intérêts. Du coup, il n'a pas fait partie du comité de sélection, relate-t-on.

Poursuites à venir

La poursuite contre les Consultants Gauthier Morel est l'une des trois que la Ville de Laval a déposées avec l'autorisation de la ministre de la Justice. En 2015, la Ville a demandé à la Cour supérieure de ne pas verser 2,3 millions de dollars à Nepcon, appartenant à la famille Mergl, qui aurait réclamé 20% de trop pour des contrats municipaux.

De plus, Laval poursuit l'entrepreneur Tony Accurso et son empire de construction. Elle veut ainsi récupérer des sommes détournées qu'elle estime à quelque 30 millions de dollars.

D'autres poursuites sont en préparation au contentieux de Laval, a confirmé Me Simon Tremblay. Une équipe formée de six enquêteurs et quatre avocats travaille à temps plein sur ce dossier. Les entreprises qui sont visées sont celles qui n'ont pas participé au programme gouvernemental de remboursement volontaire ou avec qui la Ville ne s'est pas entendue lors des négociations orchestrées par l'ancien juge François Rolland au cours de l'année dernière.

Me Tremblay a précisé que le génie civil était la priorité pour 2018.