Les dizaines de milliers d'utilisateurs du géant du covoiturage AmigoExpress le font à leurs risques et périls, vient d'avertir le coroner qui a enquêté sur le décès d'une cliente tuée dans une auto en très mauvais état.

Katy Torres, 30 ans, faisait le trajet Gatineau-Montréal avec une conductrice trouvée via l'entreprise de jumelage lorsque le véhicule a dérapé jusqu'à heurter une minifourgonnette dans la voie inverse de l'autoroute 40, à Saint-Lazare, le 8 octobre 2016. Mme Torres est morte sur le coup.

Selon le rapport du coroner Jean Brochu, l'auto dans laquelle Mme Torres est morte avait des « freins arrière usés à 100 % » et des pneus virtuellement lisses.

« Les entreprises de covoiturage ont beau dire ce qu'elles veulent, vous n'avez aucune idée de la personne qui vous embarque et vous n'avez aucune espèce d'idée de la fiabilité du véhicule », a affirmé le Dr Brochu en entrevue téléphonique. « Il faut être prudent avec ça. »

AmigoExpress exploite une plateforme virtuelle où les automobilistes peuvent mettre en vente les places libres dans leur voiture pour un trajet donné et où les internautes peuvent les acheter. L'entreprise encaisse des frais d'abonnement annuels, ainsi qu'un montant sur chaque réservation. Elle revendique 350 000 membres et 25 000 places offertes chaque semaine.

Mais l'entreprise n'effectue pas d'inspection des voitures utilisées. « Quand on prend un taxi, le conducteur est vérifié, et le taxi est obligé de passer des inspections régulières », a continué le Dr Brochu. Chez AmigoExpress, le conducteur doit s'engager à ce que son auto soit en bon état, « mais ce ne sont que des voeux pieux », déplore le coroner.

« On essaie de rendre le covoiturage vraiment fiable et sécuritaire, a indiqué Marc-Olivier Vachon, président et fondateur d'AmigoExpress. Il n'y a pas d'inspection mécanique, ni même de [vérification] des antécédents d'un conducteur. On n'a pas les infrastructures ou les moyens d'aller jusque-là, malheureusement. »

M. Vachon a souligné que ce sont des particuliers qui utilisent le service. « Les gens s'attendent à ce que ce soit abordable », a-t-il dit. L'homme explique qu'un passager intéressé par une place peut voir les évaluations du conducteur, ainsi que sa date d'obtention du permis de conduire.

« Une conduite dangereuse »

Katy Torres, une étudiante au doctorat à l'Université d'Ottawa originaire du Venezuela, se dirigeait vers Montréal pour visiter des amis lors du jour fatidique. Dans un hommage funèbre, sa famille l'a décrite comme « un morceau de ciel que Dieu a accepté de mettre sur Terre pour nous accompagner pendant 30 ans et nous contaminer de sa joie ».

Un autre client d'AmigoExpress qui prenait place dans la voiture problématique au moment de l'accident a été blessé. « Tout au long du trajet, l'homme textait sa copine en disant que la femme [qui conduisait] avait une conduite dangereuse. Il disait que si ça continuait comme ça, c'est sûr qu'ils allaient avoir un accident », rapportait le porte-parole policier Ronald McInnis, de la Sûreté du Québec (SQ), le jour de l'accident. « Ce qui devait arriver est arrivé. »

En entrevue, M. Vachon a affirmé que cette conductrice avait pourtant de « bonnes évaluations » sur son profil.

Dans son rapport, le Dr Brochu évoque aussi l'idée d'imposer à tous « l'inspection mécanique périodique des véhicules, principalement pour les véhicules plus âgés ». Il souligne qu'« il s'agirait d'une mesure efficace », mais il souligne que la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) l'a déjà rejetée.

La SAAQ a dit vouloir prendre connaissance du rapport avant de le commenter.

Marc-Olivier Vachon, d'AmigoExpress, a dit être en faveur d'une telle mesure.

La conductrice n'a pas été accusée au criminel.